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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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CROQUE MORTS
Qui peut donc vouloir tuer un prêtre un dimanche ? Le slogan imprimé sur l’affiche de Calvary intrigue, annonçant un crime étrange dont il faudrait trouver la raison. En fait le motif est connu dès la toute première scène d’introduction du film. On découvre un prêtre dans le confessionnal de son église. Il écoute une personne venue non pas pour se libérer de ses pêchés mais pour le menacer d’une vengeance. Cette personne confie avoir été violé(e) à plusieurs reprises durant son enfance à l’âge de 7 ans par un prêtre qui depuis le temps est décédé, et pour contrer cette injustice, est prêt(e) à tuer un autre prêtre représentant de l’Eglise : «Je vais vous tuer parce que vous êtes innocent»… On ne verra pas qui est cette personne, elle promet de passer à l’acte le jour du dimanche de la semaine suivante contre lui : le prêtre est prévenu que ses derniers jours sont comptés. Le film Calvary vous invite dans un petit village d’Irlande pittoresque où le prêtre a entendu sa mort annoncée un dimanche par un des habitants, mais lequel ?
Le réalisateur John Michael McDonagh nous avait surpris en 2011 avec le flic le moins conventionnel joué par Brendan Gleeson dans L’Irlandais. Avec un humour british sophistiqué, il donnait à voir autrement une enquête policière. Il se sont retrouvés l’un et l’autre derrière et devant la caméra pour ce Calvary. Cette fois Brendan Gleeson donne corps un prêtre plutôt conventionnel mais ce sont les autres, qui composent une galerie de portraits pittoresque, qui chacun à leur manière vont faire voir autrement la communauté d’un village pas si paisible… Le suspense s'installe et le spectateur découvre les différentes épreuves que va devoir affronter ce prêtre durant toute une semaine au bout de laquelle son mystérieux assassin se révèlera. Le récit est rythmé avec la mention des différents jours qui se suivent : lundi, mardi, mercredi…jusqu’au dimanche fatidique. Un comte-à-rebours fatidique. Chaque journée permet au spectateur de mieux connaître les différents habitants de ce village et promet au prêtre une nouvelle rencontre qui pourrait mettre en doute sa foi et faire vaciller son espoir. Au fil de ces questionnements auquel il doit faire face, on s’attachera de plus en plus à lui, à son sens de la bonté, qui va être de plus en plus mis à l'épreuve.
Il se sent particulièrement investi de sa mission de lien vers la religion catholique, mais on va se rendre compte que les autres habitants du village se détournent de la religion, voire même contestent ses principes… Une Irlande en mutation. Loin des clichés de son catholicisme extrême. Ces concitoyens se révèlent être des pêcheurs au sens biblique avec notamment un violeur en prison, un homme qui a accumulé des richesses, une épouse infidèle, et en particulier une jeune femme qui a déjà tenté le suicide… Avec cette galerie de personnages hauts en couleurs - on voit la crème des acteurs irlandais et aussi d’ailleurs : Chris O'Dowd, Dylan Moran, Aidan Gillen, Kelly Reilly, aussi Isaach de Bankolé et Marie-Josée Croze - l'humour noir se réveille. On soupçonnera l’un ou l’autre durant le film. Ils ont d’ailleurs presque tous déserté la petite église qui est souvent vide. Si la tension grandit à propos de l’identité de l’assassin en devenir, l’enjeu se révèle en fait moins de deviner qui il est que de ressentir un sentiment diffus: les représentants de l’Eglise sont devenus indignes de confiance…
Avec ce fameux humour british parfois caustique, Calvary parle de manière subtile de religion, de foi, de morale, de tristesse, d’espérance, de l’Irlande d’hier et de celle d’aujourd’hui. Un enquêteur amateur et atypique, un pays angoissé et rancunier, des villageois pas nets: il n'en faut pas plus pour rendre cette fiction réjouissante. Mais cela n'empêche pas le cinéaste d'explorer en profondeur l'âme humaine, celle qui ne croit plus en grand chose mais qui est prête à toutes les bassesses. Tout cela pour finir face à la mer, face à son destin, avec l'espérance sur les épaules et nul Dieu pour opérer de miracles. Alors, le réalisateur John Michael McDonagh avec l’acteur Brendan Gleeson de prêcher la bonne parole d’un cinéma qui ose sortir de sa zone de confort…
Kristofy
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