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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le chant de la mer (Song of the Sea)
Irlande / 2014
10.12.2014
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MAÏNA SUR SA FALAISE
« Oh t’as raison, on a qu’à suivre des lumières magiques. C’est sûrement plus sûr que de prendre le bus. »
Pas besoin de 3D ou d’effets visuels épatants pour nous transporter dans un autre monde et ouvrir notre imaginaire. Tomm Moore réussit avec son conte celte Le chant de la mer (qui peut aussi être le chant de la mère) à nous enchanter par la seule grâce de son coup de crayon, simple et amples, notamment dans les perspectives, et la beauté de son récit, qui se concluera de manière miraculeuse.
L’influence de Hayao Miyazaki est patente. Des personnages qui cousinent avec les Kodama, d’autres pétrifiés, des échos aux estampes japonaises, une sorcière-hibou aux allures de Yubaba, sans omettre la petite héroïne qui pourrait être une sœur de Ponyo et qui devra faire face à un dilemme similaire : celui de ces Petites sirènes qui vivent entre deux mondes.
D’une tragédie va ainsi éclore l’amour, la fraternité, la solidarité. Un grand voyage initiatique et féérique, rempli de poésie.
La mer est omniprésente et la mère absente. Mais les deux hantent ce film fantasmagorique. L’opposition ne s’arrête pas là : mythologie (une enfant qui peut se métamorphoser en bébé phoque) et le réalisme nous séduisent pareillement. L’émerveillement est identique qu’il s’agisse de la légende ou de l’histoire familiale.
De lucioles en selkie, d’âmes emprisonnées en cheveux mémoriels, le réalisateur nous emmène dans un monde irréel tout autant que familier. Il explore ou flirte avec des mondes déjà connus, empruntant à Lewis Carroll ou à Andersen, tout en apportant sa touche singulière.
Au-delà de la forme, Le chant de la mer est l’histoire d’un regroupement familial, un rapprochement entre un frère et une sœur, l’acceptation d’un deuil. La magie, qui est accompagnée d’un magnifique travail du son, n’est là que pour adoucir la souffrance des êtres. L’appel de l’eau, un océan ou un puits sacré, n’est rien d’autre que le désir de retrouver la mère. Symbiotique. C’est dans ces mondes mystérieux et enchanteurs que le film s’épanouit visuellement. Mais c’est bien dans son rapport à la réalité – l’isolement ou la ville, la maladie ou la dépression – que le récit prend toute son ampleur.
Discrètement, Tomm Moore nous fait passer son message : il faut savoir vivre avec sa tristesse, sinon elle nous ronge. Le sentiment devient poison. Nous fait souffrir.
Cette odyssée d’un grand frère qui court après sa petite sœur aventureuse trouve alors son lien avec les films animés de Michel Ocelot, où l’enfance, là aussi, est parfois source de sagesse. Mais Le chant de la mer n’est pas qu’histoire de connexions (capillaires ou spirituelles). Il s’agit surtout pour le réalisateur de défendre une culture menacée par le monde moderne et le reniement du passé.
Ainsi, la fin sublime, avec ses aurores boréales, nous emportera au Sidh, cet autre monde de la mythologie celtique. Et le chant amer des souvenirs peut alors faire place au chants libérateurs.
vincy
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