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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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My Two Daddies
USA / 2012
07.01.2015
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ANNEES 1980 OU 2010, MÊME COMBAT
"Les gens parlent. Les professeurs parlent, les parents parlent."
Californie. Début des années 1980. Paul et Rudy se rencontrent. Ils tombent amoureux. Le hasard met sur leur chemin Marco, un enfant handicapé et maltraité par sa mère toxicomane. Entre les trois se créent des liens que la justice, la norme et les préjugés ne peuvent comprendre. Lentement et subtilement, le film narre la lutte de ce couple homosexuel à contre-courant, qui ne voit que le bonheur de Marco et semble si vrai et moderne. Pendant 1h37, le réalisateur Travis Fine, déjà à l'œuvre sur le joli The Space Between, met ainsi en scène un très beau drame qui laisse songeur.
Drame et fatalité
Dès les premiers plans de My Two Daddies, le ton est donné. Marco marche, seul, dans les rues d'un Los Angeles désert, nocturne et effrayant. Handicap. Solitude. Avant même que le réalisateur ne nous montre ses acteurs principaux, tout est déjà dit. My Two Daddies ne sera pas une histoire comme les autres, avec une fin heureuse, des violons et une morale avantageuse. Sans doute parce que ses protagonistes sont des marginaux ! Comprenez ici qu'ils sont en marge de la société, qu'ils ne rentrent pas dans le moule, bref, qu'ils ne sont pas dans la norme.
Implicitement, le récit se déroule sous nos yeux avec une sensation de déjà-vu, d'une histoire que l'on connaît déjà et dont on sait, par expérience, qu'elle ne se finira pas bien. Sous nos yeux donc, les personnages se croisent, se touchent, s'aiment et se retrouvent séparés. Par le destin, ainsi que par la société normée et normative à laquelle Rudy, artiste travesti, tente éperdument d'échapper. Manque de pot, c'est en voulant fuir celle-ci qu'elle le rattrape. De cette manière, My Two Daddies pose là les questions suivantes : L'amour et la famille sont ils-normés ? Et si oui, doivent-ils l'être par la société ?
Conjoncture et résonance
A l'heure où la communauté LGBT lutte pour le droit à la famille et que la question de l'adoption divise notre société, il est évident que My Two Daddies trouve rapidement un écho considérable. Paul et Rudy forment ainsi un couple homosexuel et "normal", aux questionnements et problèmes ordinaires. L'éducation, le temps passé à jouer, la quête du bonheur, tant d'éléments qui viennent ponctuer le film à travers de très belles scènes, joliment mises en avant. On pense notamment à cette séquence en pellicule dans laquelle les trois personnages principaux font une virée à la plage, qui n'est pas sans rappeler l'esthétique rétro des clips d'une certaine Lana Del Rey. Un plaisir pour les yeux.
Faisant un pied de nez aux codes du drame, Travis Fine prend la peine de nous faire rire et de nous émouvoir grâce à des scènes cocasses et des dialogues savoureux. Et disons-le dès maintenant, en Rudy, cet homosexuel extraverti, Alan Cumming est brillant. Dans l'action et non dans la caricature, l'acteur fait mouche. Il emmène le spectateur - qu'il partage ses prises de position ou pas - à l'intérieur d'un combat perdu d'avance (dans le film) mais qui mérite que l'on fonce tête baissée.
En partant du simple présupposé que la justice américaine des années 1980 préfère les drogués aux homosexuels, My Two Daddies dresse le portrait d'une société qui n'a pas tant changé que ça et de mentalités qui refusent d'évoluer quand il le faudrait. Sympathique et frais, le film de Travis Fine peut se lire comme une ode à la tolérance et surtout à l'amour pour tous, peu importe le sexe, la couleur de peau, l'orientation sexuelle ou bien l'état mental. My Two Daddies fait résolument partie de ces films que l'on aimerait voir plus souvent au cinéma et qui nous font l'aimer !
wyzman
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