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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Listen Up Philip
USA / 2014
21.01.2015
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LA POURSUITE DU MALHEUR
«- Je suis content qu’il soit mort mais j’aurai aimé faire cette interview. C’était une bonne opportunité ».
New York. Des névrosés. Des intellectuels. Des histoires d’amour qui finissent mal. Des losers obsédés et égocentriques. Des bavardages interminables. Listen Up Philip a tout pour être un film de Woody Allen. On en est loin. Il manque l’humour, la légèreté, l’absurdité du style du cinéaste à lunettes.
Au contraire, le film se complait dans la noirceur du personnage principal (Jason Schwartzman est impeccable en écrivain égoïste, insensible, irritable, associable, insupportable, aigri). On perçoit, et même on ressent, tellement sa solitude, son malheur qu’il atteint et déteint sur tout le récit. En citant Cassavetes et Truffaut, le réalisateur Alex Ross Perry ne se facilite pas la tâche et nous entraîne dans une tranche de vie peu empathique.
Jamais on ne parvient à aimer qui que ce soit dans ce film. Ni la jeune photographe larguée, ni la fille de l’écrivain paumée, ni les deux écrivains, monstres cyniques. Ces quatre portraits trop psychanalysés sont trop narcissiques pour nous séduire, nous interpeller. Même leurs douleurs ne réussissent pas à nous apitoyer. Leur humour grinçant ne suffit pas à nous faire sourire.
En soi, Listen Up Philip n’est pas un mauvais film : la mise en scène est fluide, la direction artistique très vintage plaisante, les comédiens tous bons. Mais que tout cela est pesant. Trop de dialogues tuent le rythme, alourdissent le récit et la vacuité des propos rappelle les pires caricatures de films français. Et il manque une ironie, une distance pour prendre tout cela au second degré. La voix off est la seule bonne idée pour réveiller l’effet anesthésiant de l’ensemble. Ce procédé, pour une fois utile, enrichit l’œuvre avec un regard extérieur et décalé.
Cependant, l’histoire de deux misanthropes assez sexistes, aux égos démesurés, est un sujet casse-gueule. Et d’ailleurs on cherche la satisfaction qu’a éprouvé le réalisateur quand il a écrit ce drame, hormis sa volonté de restituer, de manière nostalgique, une période où la valeur de l’écrit et le politiquement incorrect étaient assumés sans chercher à avoir bonne conscience.
Amertume et frustrations font le reste. Mais Listen Up Philip aurait gagné à ne pas reproduire un style cinématographique, mix de film noir, de mélo français des années 60 et de productions indépendantes new yorkaises. Aussi nihiliste que son personnage central, le film résonne comme une mélodie funèbre illustrant l’autodestruction d’une caste. La chair est triste. L’être est seul. Et tout est dépeuplé, désincarné. Bref, après le coït, l’animal est triste et préfère aller se cacher pour souffrir. On a le droit de ne pas adhérer à cette vision du monde. En tout cas, on ne regrette pas la disparition de cette espèce d’intellos narcissiques. On est aussi indifférents à ces personnages qu’ils sont méprisants à notre égard.
vincy
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