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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Imitation game (The Imitation Game)
Royaume Uni / 2014
28.01.2015
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A BEAUTIFUL MIND
« Plus insupportable que ce type, ça n’existe pas. »
The Imitation Game commence avec un avertissement. On nous demande d’écouter attentivement et de ne pas juger avant la fin. Par conséquent, jusqu’à la fin, on s’interroge sur les ambiguïtés d’Alan Turing : a-t-il trahi son pays ? a-t-il menti sur ses compétences ? Rien de tout cela. Au pire, il était arrogant, suffisant, doté d’un mauvais caractère, bref associable et génial. Le seul « problème » d’Alan Turing, pionnier de l’informatique, est qu’il était homosexuel. Son amour pour les garçons le conduit à ce comportement solitaire, et finalement à sa perte.
Il y avait là matière à un très grand sujet sur la manière dont le Royaume Uni, il n’y a pas si longtemps, à peine 70-80 ans, traitait les homos. Inimaginable et pourtant bien réel. Mais le film préfère se (dé)centrer sur l’exploit scientifique et technique de Turing, qui trouva le moyen de décrypter Enigma, le décodeur infernal des nazis. Le film, dans sa forme comme sur son fond, rappelle Un homme d’exception de Ron Howard. Un biopic assez convenu, presque lisse, transporté par un acteur formidable, Benedict Cumberbatch. Ironique et insolent, tourmenté et obsessionnel, sûr de lui et peu diplomate, son personnage lui permet de jouer un large spectre d’émotions, avec une parfaite cohérence qui produit une constance admirable.
The Imitation Game est construit de manière à ne jamais nous larguer. De la grande Histoire au quotidien de ceux qui y contribuent, le spectateur assiste à la manière dont les experts britanniques (mathématiciens, linguistes, cruciverbistes…) sont parvenus à casser le codage le plus complexe de l’époque. A cela s’ajoute une romance platonique (avec la gracieuse Keira Knightley, malgré un personnage assez fade) et quelques flash-backs dans la jeunesse du cryptologue permettant de comprendre son trauma psychanalytique font varier la tonalité du drame, à défaut de lui donner du rythme.
Ce n’est pourtant pas ces aspects visibles, trop banalement traités, qui sont les plus intéressants. On est davantage fasciné par le portrait de la société britannique : inégalité hommes femmes, misogynie, hypocrisies, hiérarchie aristocratique et bien entendu homophobie composent des relations interpersonnelles perverties et une logique de caste malsaine. L’intelligence, l’honnêteté et l’utilité d’un individu ne sont pas des critères suffisants pour être respectés. Au point que seule la logique du groupe prévaut. Ce que Turing, dans le film, comprend en apprenant à travailler en équipe. Cependant si The Imitation Game parvient à décrypter Enigma, il a plus de difficultés à décoder les Hommes et leurs aspirations/contradictions. D’autant que Turing nous apparait sympathique, et contrairement à ce que le film nous forçait à croire lors de son prologue, nous ne nous serions jamais permis de le juger. Ce qui nous révolte et ce que nous avons envie de juger c’est bien l’état d’esprit d’une société qui contraint chacun à se réfugier derrière des grades, des masques, des apparences.
D’où une certaine frustration, amplifiée par le dernier quart d’heure du film quand il nous révèle la sanction judiciaire imposée à un homme qui a participé à la victoire sur les Nazis (autant dire un héros très discret, un de ces hommes de l’ombre qui aura permit de rallumer la Lumière). Parce qu’il était homo, il va payer très cher ses tentations sexuelles. Sa fragilité affective lui sera fatale. C’est d’autant plus révoltant que la punition est catastrophique pour le cerveau du scientifique, autant dire sa raison d’exister. C’est d’autant plus rageant que son « anormalité » comme ils disent n’a menacé personne. Sans cet homme « déviant », comment la guerre aurait-elle fini ? Est-ce que ses juges seraient en vie, libres ?
Dommage que The Imitation Game ne répondent pas à ces questions, n’ouvrent pas davantage le débat, s’arrête là où il aurait du débuter.
Mais le récit a préféré une version plus classique, une chronique historique plutôt qu’un récit rhétorique. Quand le carton annonce que 49000 homos ont été condamnés par la justice britannique, qu’il a fallu attendre 2013 pour que Turing soit gracié par la Reine alors que sa machine a sauvé deux ans de guerre et des millions de vies, on en vient à espérer un deuxième film sur ces Hommes qui ont eu l’arrogance et la bêtise de détruire celle d'un brillant cerveau.
Mais malgré tout, à défaut de lui avoir dédié un chef d’œuvre, le cinéma lui offre une jolie rédemption.
vincy
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