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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les jours venus
France / 2014
04.02.2015
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GOUPIL ET MAI 68 : NOS FUNÉRAILLES »
Toujours un peu casse-gueule la comédie « embeded », sorte d’autofiction où le personnage central est aussi celui qui se met à distance en se filmant. Cela rappellera à certains les films de Valeria Bruni-Tedeschi, de Nanni Moretti ou même de Woody Allen. Mais Les jours venus a suffisamment d’ironie pour ne pas être narcissique. Romain Goupil parle du principe qu’il est le mieux placé pour parler de lui-même, de son âge comme de ses difficultés à faire un film.
Finalement, c’est un aveu d’impuissance qui est le moteur du bordel ambiant. La libido décline, le système le marginalise, et cet ancien soixante-huitard s’avoue vaincu par le temps qui passe et les contraintes qui le lassent. Il en résulte une succession de séquences drôlatiques, entre un piano qui lui tombe sur la tête et sa fin six pieds sous terre. On tombe toujours de très haut quand on comprend qu’on va finir très bas.
Alors, oui on s’amuse. Parce que Valéria Bruni-Tedeschi (toujours elle) épate en banquière intriguée, parce que Noémie Lvovsky nous est sympathique en grande gueule attendrissante, parce que Marina Hands est parfaite et séduisante, sans oublier l’autre femme, celles du passé, la Dominique Sanda. C’est un film assurément féminin : et ses portraits de femmes sont sans doute l’aspect le plus réussi de ce capharnaüm.
Mais Goupil énerve un peu aussi : il ne se renouvelle pas vraiment, continue avec quelques tics et quelques obsessions, pousse parfois l’absurde un peu trop loin, et ne parvient jamais vraiment à nous emballer dans son délire testamentaire. Il faut attendre l’épilogue pour la mise en abime fonctionne merveilleusement et que l’autofiction prenne tout son sens. Filmant son enterrement, en s’acharnant à lui donner des moyens cinématographiques (dont la productrice se moque), il rassemble tout ses amis (un casting anthologique, de Daniel Cohn-Bendit à Arnaud Desplechin, de Mathieu Amalric à Henri Weber). Nostalgie d’une époque révolue, générosité d’un homme abattu mais surtout enterrement de première classe pour une utopie désormais bien morte, ce Mai 68 qui aura fondé toute son œuvre, toute son existence.
Pourtant, avant ce requiem pour un gauchiste, le film démontre une certaine vitalité et s’emploie à s’enthousiasmer pour un tout et pour un rien. C’est farfelu, singulier, noir, sans doute surchargé de sujets. Goupil revendique la liberté, ou plutôt un libertinage artistique, entre la comédie à la Molière et la satire à la Reiser. Ce qui peut avoir ses limites : la fantaisie dans le cinéma français semble souvent un exercice un peu forcé, privilégiant la scène à l’enchaînement des séquences, préférant l’idée à l’ensemble du récit. Cela en fait forcément un film décousu, joyeux, inégal, stimulant. Mais au moins, reconnaissant que Les jours venus est une épopée originale sur une époque de plus en plus banale.
S’il avait été un peu moins nonchalant et fumiste, le réalisateur aurait sans doute produit une comédie plus féroce, en tout cas moins innocente. Mais finalement, comme tous ces films qui flirtent trop avec le nouveau roman, Les jours venus est assez sage, assez conformiste même, et passe à côté d’un esprit révolutionnaire auquel il rend hommage. En clair, Goupil signe un constat d’échec de sa génération, tout en refusant de nommer le problème.
vincy
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