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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le dernier loup (Wolf Totem)
France / 2015
25.02.2015
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PENSE AVEC LES LOUPS
- Qui monte sur le dos d’un tigre, n’en descend pas facilement ».
Jean-Jacques Annaud aime les voyages, géographiques et temporels. La préhistoire, L’Italie médiévale, L’Indochine des années 20 ou des années 30, l’Himalaya ou la Russie durant la seconde guerre mondiale, le monde Arabe de l’après guerre et maintenant la Chine maoïste. Il aime aussi les animaux. L’Ours, les tigres, et même une créature à moitié cochon. Et voici les loups.
Le lien généalogique dans la cinématographie d’Annaud est évident avec cette adaptation du Totem du loup. Coproduction franco-chinoise, on en voit toutes les limites de l’œuvre qui cherche avant tout à cibler le public de l’Empire du Milieu. C’est le scénario qui en souffre le plus. Entre deux scènes d’action, souvent très réussies, le cinéaste ne parvient pas à faire exister ses personnages. Ce manque d’incarnation est surtout lié à une écriture sans relief et des rapports interpersonnels trop simplistes. Les personnages en ressortent stéréotypés dans un contexte qui manque de dramatisation.
Il faut tout le savoir-faire d’Annaud pour ne pas nous endormir avec une romance à peine esquissée et des conflits entre nomades environnementalistes et communistes collectivistes. Certes, les paysages sont étourdissants de beauté, et offrent un spectacle somptueux, presque irréel. On ne peut que se laisser séduire par le discours sur les équilibres de notre écosystème, qui permet de partager les ressources entre humains et animaux. La gazelle est ainsi bien plus nuisible que le loup, en broutant l’herbe rare des steppes. Et elle constitue une nourriture idéale pour ces mêmes loups, qui, sinon, préfèreraient les moutons de ces bergers.
Mais tout cela ne suffit pas à nous emballer. Le scénario, troué de partout, oubliant le motif réel de la venue de ces deux Pékinois au fin fond de la Mongolie intérieure (ils sont censés éduquer les enfants et jamais nous ne les voyons le faire), se focalise sur l’un de citadins, qui adopte un Loup, alors que l’ordre est de les décimer. Entre résistance au progrès aveugle et adhésion aux valeurs spirituelles de ses hôtes, il se retrouve à l’écart, égaré, jusqu’au happy end inévitable, à force de bravoure et d’obstination.
Les autres personnages sont secondaires et leurs propres motivations un peu nébuleuses. Quant aux loups, hormis celui qui est apprivoisé, ils semblent effrayants, inquiétants, dangereux (et souvent filmés au ralenti). Certaines scènes (avec les louveteaux) sont difficilement supportables pour les enfants. Et les adultes trouveront l’histoire aussi aigre que mièvre.
Trop manichéen, Le dernier loup, se contente d’être un conte aux enjeux intemporels, prenant la défense des minorités et de leur culture, protecteurs de l’environnement et transmetteurs des mythes ancestraux. Louable en soi. Pourtant, ce n’est pas vraiment ce qui retient notre attention. Le réalisateur nous saisit davantage quand il filme la cruauté des hommes, la course-poursuite endiablée des loups après des chevaux dans un paysage enneigé (jusqu’à son achèvement, glaçant), la horde de loups qui va se régaler dans une bergerie, ou encore la chasse au dernier loup, façon safari, tragique (même si on doute qu’un loup puisse suicider).
Entre l’hostilité de la nature (sales moustiques) et art de la guerre, le temps des chevaux et celui des tracteurs, Annaud révèle surtout la bêtise de l’homme et espère que la prise de conscience individuelle sauvera ce qui peut-être sauvé. La musique de James Horner ne peut rien pour nous faire vibrer. Aucune émotion particulière. Non pas que le film en soit dépourvu, mais le réalisateur a oublié l’humain en voulant faire passer trop d’humanité. Il manque une épaisseur, un esprit moins naïf, une envie peut-être de contempler plus que de divertir. Annaud voit peut-être des nuages en forme de loup. Le spectateur voit plutôt des belles images pour la forme et du flou pour le fond. Or, quand c’est flou, il y a un loup.
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