Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Tokyo Fiancée


Belgique / 2014

04.03.2015
 



LE SABOTAGE AMOUREUX





"- Arrêtez de vous excuser!
- Excusez-moi
"

Le principal atout de Tokyo Fiancée, aimable fantaisie romantique, est de réhabiliter l’univers d’Amélie Nothomb sur grand écran, après le décevant Stupeur et Tremblements et la trahison d’Hygiène de l’assassin. Stefan Liberski a réussit une double prouesse : capter l’esprit humoristique et mélancolique de l’écrivain belge et restituer de manière réaliste (à opposer à des clichés touristiques) le Japon, personnage essentiel de ce récit.

Car c’est bien un plan à trois qui nous est proposé. Amélie et Rinri et le Japon, une grande histoire d’amour (qui finit mal en général). Une romance d’un drôle de genre où le personnage principal, double de l’écrivain, veut conquérir son amour d’enfance perdu (le Japon) et se laisser séduire par le Japonais idéal (Rinri).

Parlons d’abord du Japon de Tokyo fiancée. Liberski filme la métropole japonaise et les environs du Fuji Yama sans vouloir exhiber une forme d’exotisme. C’est un Japon où on fait ses courses, où on boit des verres… Celui des petits studios dans des petites maisons et des grands appartements dans des tours de verre et de béton. Celui des expatriés et celui, plus étrange, des tokyoïtes. Et lorsqu’on s’échappe de la ville, que la montagne est belle (et périlleuse).

Et puis il y a Rinri. Bien éduqué, francophile, nippon jusqu’au bout des cheveux, riche héritier, un peu bizarre (pléonasme). Le match des contraires créé une opposition salutaire mais jamais agressive. Sa pudeur (quoique, la nudité lui sied bien) et sa réserve contrastent avec le caractère fantasque et lunatique de la jeune Belge. Ce qui ne l’empêche pas d’être un parfait Prince charmant (mais nous ne sommes pas chez Disney, ici le sexe est dans la place). Finalement, son comportement est bien plus classique, abordable, compréhensible que celui de la jeune femme.

Ainsi Amélie est déroutée par ce pays, pourtant celui où elle est née, et déroutante pour Rinri, et parfois pour les spectateurs. C’est ce qui fait tout son charme. Et là, il faut avouer : Pauline Etienne est irrésistible. Outre sa ressemblance naturelle avec Amélie Nothomb, elle incarne à la perfection le personnage du roman, le transcendant même (on n’imagine jamais la sexualité d’Amélie-san en lisant les livres). Elle est aussi aidée par un scénario qui mêle situations absurdes (son monologue contraint sur les bières belges), épopée aventureuse (prisonnière de la montagne, catharsis existentielle), et regard distant sur son environnement (étonnée ou perplexe face à d’étranges coutumes ou le comportement incongru des expatriés).

A l’image du film, elle est la légèreté même. Le cinéaste soigne les décors et ne cherche pas les effets, hormis quelques tableaux inspirés allégoriques qui relèvent de la pure poésie visuelle. Tout juste ajoute-t-il cette touche belge, ce surréalisme décalé (chanson venue de nulle part, machines improbables) et une musique qui rappelle un fabuleux destin d'une autre Amélie. Surtout, il a pris le risque de transposer l’histoire à un passé récent, et non il y a 25 ans comme dans le roman. Cela lui permet de finir son film en évoquant le drame de Fukushima, le traumatisme national qui conduit naturellement à l’éjection de l’Amélie jolie, son déracinement complet, facilité par ses hésitations à s’engager, jamais sûre de rien. En se faisant rejeter par le Japon et en refusant la main de Rinri, Amélie scellait son destin, nostalgique, mais heureuse, à jamais.
 
vincy

 
 
 
 

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