Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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The Voices


USA / 2014

11.03.2015
 



DANS LA TÊTE DU TUEUR






«Le chien, on l'emmerde! Fais-le pour le plaisir!!»


Hitchcock nous a donné froid dans le dos avec son Psychose et sa célèbre scène sous la douche. Pourtant en y réfléchissant bien, les choses les plus terrifiantes dans son film ne sont pas le sang, le cri ou le mystère mais bel et bien son personnage principal. Regard noir mais sourire d'enfant, on hésitait entre l'inviter à boire un verre ou à partir en courant. Pour The Voices c'est à peu près la même chose. «Avec son sourire d'enfant on lui donnerait le bon Dieu sans confession» nous confie la réalisatrice Marjane Satrapi à propos de son acteur Ryan Reynolds. Comment pourrions-nous la contredire? Lorsque l'on croise ce beau gosse nous sommes loin d'imaginer qu'il s'agit d'un psychopathe qui assassine des jolies filles, sous les ordres de son chat, pour mettre leur tête dans le frigo et leurs restes dans des Tupperwares (merveilleuse invention). Oui dans Psychose c'était une mère envahissante et décédée, dans The Voices il s'agit d'un chat aux mœurs douteuse et au vocabulaire bien cru.

«Tu l'as baisé cette salope?» dit Mr Moustache au détour d'une conversation avec son maître. D'un naturel effacé et solitaire, ce pauvre Jerry se laisse littéralement dominer par «ses» voix et ne s'est plus où donner de la tête entre toutes ses nanas au boulot, son chien légèrement abruti (la bonne conscience) et son chat qui passe son temps à lui donner des envies de meurtres quand il ne s'excite pas devant un reportage sur la reproduction des animaux (clairement le petit diablotin qui trotte dans la tête). La chaîne National Geographic est un peu le Youporn de nos amis à poils après tout. The Voices est insolent et impertinent.

Avec une bande son plus qu'entraînante et des acteurs talentueux, Marjane Satrapi nous plonge dans une Amérique lumineuse, colorée et aussi pulpeuse que les lèvres de Gemma Arterton: «On m'en a proposé des scénarios. On m'a même proposé le Maléfique avec Angelina Jolie mais les dragons ce n'est pas mon truc! Par contre ça je voulais le faire!». La réalisatrice nous offre pour son baptême américain un film surprenant, déroutant parfois, drôle et bien différent de tout ce qu'on a pu voir auparavant. Un mix de genres alliant horreur (suggérée), comédie (loufoque, parodique, musicale), drame de la solitude (racine de toutes les souffrances) et romance (acide). C’est un conte façon Disney (mais Cendrillon, ici, si elle perd sa chaussure c’est parce qu’elle a été tuée) mé-chat-ment perverti. Et très bien porté par Ryan Reynolds, littéralement époustouflant en tueur timide et introverti, genre parfait copain homo pour des filles, aussi bien qu’en chien, chat (un accent écossais froid et drôle) et chanteur. En salopette rose dans une usine à la Demy ou déraillant façon Dexter, il manie la dérision et l’inquiétude avec maîtrise. A l’origine, il a ce problème d’Œdipe qui n’est toujours pas résolu : il faut dire que la psychanalyste (Weaver, extra) n’aide pas… Associable cherchant à s’intégrer, un peu simplet, il a ce souci de cachets. On dit souvent que « la drogue c’est mal ». Ici c’est l’enfer : les médocs de sa psy révèlent une réalité sordide (son appartement crade, des animaux normaux). Quand il ne les prend pas, tout va mieux (l’appart est propre, les animaux parlent). L’imaginaire plus fort que le réel ? C’est sans doute là que le scénario aurait mérité un traitement plus approfondit, révélant davantage ce quotidien glauque dans lequel il est plongé quand on veut le soigner. Le contraste aurait été plus marquant.

Heureusement, Satrapi dispose d’un arsenal d’astuces pour nous divertir. Sa passion pour le rose, cette scène improbable d’une chenille dans les locaux de l’entreprise, l’animation du resto chinois (avec un mec qui se prend pour Elvis et Bruce Lee), sa vision caustique de l’Amérique (bouseuse) moyenne, … La satire n’est pas loin, entre l’humour noir des Coen et l’humour trash de John Waters (Serial Mom n’est pas loin). Ici le sang gicle, mais on ne voit rien (ou presque). La réalisatrice ne veut pas faire peur, elle suggère l’horreur. Elle souhaite juste créer une atmosphère où l’incertitude règne. C’est une farce sanglante, et romantique, autour d’un gentil gars maladroit avec ses couteaux et trois femmes qui croisent ses lames (Kendrick, Smith et Arterton, fabuleuses en trois petite cochonnes assassinées par le grand méchant loup).

Original, The Voices surfe sur la vague de ces films d'horreur qui font rire. Marjane Satrapi tient son histoire de bout en bout, jusqu’à un final apaisant puis déjanté. « Désolé de vous avoir tuées. – Oublions les mauvais souvenirs. » Après tout, la mort leur va si bien. Et l’ascension au paradis (enchanté) est sans doute la clé de ce film : une fable cruelle mais désopilante.
 
Cynthia, vincy

 
 
 
 

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