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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Furyo (Merry Christmas Mr. Lawrence)
USA / 1983
01.06.1983
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TÊTE BRÛLÉE
Furyo, si on le voit à travers un prisme occidental, est au croisement de deux films de David Lean, Le Pont de la Rivière Kwai (le camp de prisonnier en Asie) et Lawrence d’Arabie (la personnalité légèrement barrée de Jack Celliers (avec la blondeur et les yeux bleus de Bowie qui rappellent ceux de Peter O’Toole).
Cependant, Furyo n’a rien des fresques de Lean. Il s’agit bien d’un film japonais, signé par Nagisa Ôshima (sept ans après L’Empire des sens). En cela, il n’y a pas cet aspect héroïque où, chez Lean, on se bat contre l’oppresseur, quitte à y risquer sa vie. Cette résistance n’existe pas chez Ôshima. D’une part, sans doute, parce qu’il est Japonais, et il n’a, par conséquent, pas la même vision de l’Histoire, même si, ici, il ne ménage pas son pays. D’autre part, parce que son cinéma est ancré dans une forme plus subversive, dans des sujets plus sulfureux, dans un rapport tendu entre la psychologie complexe de personnages dominés par leurs pulsions (c’est assez kubrickien en soi) et la chair qui exerce un pouvoir d’attraction/répulsion.
Et Furyo excelle dans ce registre, lui conférant un aspect allégorique atemporel, malgré les faiblesses du récit. En surface, deux civilisations s’affrontent, à armes inégales. Les notions d’honneur et de sacrifice n’ont pas la même résonnance. La lâcheté n’est pas vécue de la même façon (les flash backs en Angleterre sont révélateurs du sentiment de culpabilité qui hante Celliers quand les Japonais préfèrent obéir à des codes si respectés qu’ils peuvent se tuer).
Dans Furyo, film aussi troublant que déstabilisant, dérangeant et glaçant, Ôshima prend le parti d’une violence crue et d’un formalisme théâtral, presque artificiel (sentiment renforcé par la partition mythique de Sakamoto). Les rituels, pervers et sadiques, servent de chapitres. Mais le fil conducteur est ailleurs. Dans cette liaison sulfureuse entre le geôlier et le prisonnier. Dans cette fascination charnelle, sensuelle, indécodable, interdite entre deux ennemis. Le réalisateur aime nous perdre dans des lois humaines indéchiffrables et nous confronter à l’animalité aveugle des êtres (qui, par manque de courage, vont souvent à l’opposé de leur instinct, de leurs envies).
Ses vices / Sévices
La folie des dominants (ou leur caractère lunatique, il suffit de voire la performance de Takeshi Kitano, dément) et la passivité des soumis semblent constituer un jeu masochiste où le puissant s’amuse avec ses affidés. Pourtant tous portent un masque qui cache leurs souffrances, leurs malheurs, leurs vulnérabilités. Ces pantins faillibles, révélateurs de la faiblesse humaine, pourraient conduire le film à un simple pamphlet pacifiste. D’autant que le duel très ironique et purement conflictuel entre Gengo hara (Kitano) et John Lawrence (Tom Conti, le véritable personnage principal) pourrait banaliser le récit à un simple combat inégal entre deux sociétés/civilisations.
Mais Ôshima transcende son film en le contrebalançant avec un autre duel, amoureux entre deux amants qui s’aimantent, mais jamais du bon côté. C’est l’incandescence de David Bowie (au sommet de sa beauté et de son talent) et la froideur féminine de Ryûichi Sakamoto (sublimé par ses silences et sa retenue) qui s’inscrit dans nos mémoires.
Furyo devient alors vertigineux, révoltant, insensé. Jusqu’à créer une des images les plus fortes du cinéma : le sacrifice du bien-aimé, l’expiation par l’extinction du coupable. Coupable de n’e pas avoir aidé son petit frère au collège, de ne pas avoir gagné la bataille, de ne pas avoir tenu ses promesses, d’avoir été un objet de désir malgré lui. Pour cela, on ne lui coupe pas la tête : on l’expose au soleil dans une scène de torture aussi lente que cruelle. Une image aussi forte vaut souvent de nombreux films médiocres. Ce final rend l’ensemble du film brûlant, tantôt se reposant sur ses braises, tantôt s’enflammant.
vincy
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