Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Sea Fog: Les clandestins (Haemoo)


/ 2014

01.04.2015
 



VIES ET BROUILLARD





La dure vie de pêcheur ce n’est pas facile : plusieurs jours et plusieurs nuits en pleine mer sur un vieux rafiot, et même en ramenant une pas trop mauvaise quantité de poisson, la paye n'est pas vraiment bonne. Quand un jour pire qu’un autre le capitaine apprend que le bateau pourrait être saisi, il décide de faire le nécessaire: aller chercher et ramener de la marchandise de contrebande: des immigrants clandestins…

« on va vraiment faire ça ? »

Le film Sea Fog (Haemoo) nous arrive des rivages de Corée du Sud: ce territoire du cinéma de genre où la qualité d’un premier film est telle qu’il est meilleur que quantités d’autres produits ailleurs, à l’image de The Chaser de Na Hong-jin, dont l’acteur-star Kim Yun-seok joue ici le rôle du capitaine des pêcheurs. Il en va de même pour Sea Fog : c’est le premier film réalisé par Shim Sung-bo dont il signe le scénario avec le célèbre Bong Joon-ho (qui avait réalisé Memories of murder il y a dix ans déjà co-scénarisé ensemble). Sea Fog était d’ailleurs le candidat coréen pour l’Oscar du meilleur film étranger.
L’histoire se déroule en trois actes : les marins, puis les marins et les clandestins, et ensuite de moins en moins de témoins… On découvre tout d’abord le quotidien pas facile des marins sur le bateau, leur vie à quai en attendant de repartir en mer pour une nouvelle pêche de plusieurs jours. Certains d’entre eux font même du bateau le lieu où dormir une fois revenus à terre. Certains n’ont personne qui les attend dans un foyer, un autre y revient ayant découvert l’infidélité se sa femme… Etre marin-pêcheur est synonyme d’une vie en solitaire, c’est l’équipage qui forme une famille d’adoption. Ce bateau est peu à peu devenu 'leur' bateau, c’est davantage qu’un outil de travail car il est devenu presque leur maison…

A partir de l’exposition de cette situation en début de film, le spectateur est en position de s’identifier au capitaine et d’approuver ses décisions même si celles-ci peuvent transgresser la loi. Aller chercher et ramener un groupe d’immigrants clandestins ? Pourquoi pas si on reçoit l’argent qui permet d’améliorer son quotidien et surtout de sauvegarder le bateau… Dès lors le scénario astucieux va, au fur et à mesure, confronter la sympathie acquise des spectateurs au capitaine et aux quelques autres marins de son équipages, avec leurs différentes décisions qu’ils vont être amené à prendre. Un incident dramatique autant que tragique devra absolument et cruellement être caché de tous avant le retour au port : il va y avoir des cadavres à faire disparaître…

« On est tous dans la même galère »

Sea Fog est un drame maritime où se côtoie les valeurs du Bien et du Mal sans réelle barrière, avec le principe que ‘la fin justifie les moyens’, même si ces moyens sont extrêmes. Le dilemme moral qui sera le moteur du film viendra du plus jeune marin-pêcheur qui lui s’est entiché d’une jeune-femme parmi les clandestins. Il va vouloir vraiment la protéger alors qu’elle va devenir en même temps un témoin, une menace et une proie. L’affrontement conduira à un paroxysme de violence meurtrière…
La force de Sea Fog est son ambition de réunir dans un même film à la fois les éléments d’un drame social poignant et en même temps ceux d’un ‘film de genre’ type survival. Le point de départ est d’ailleurs inspiré de faits réels (la mort de plus d’une vingtaine de clandestins en provenance de Chine vers la Corée en 2001), et de manière crescendo, Shim Sung-bo oriente son film vers un thriller nihiliste. Le savoir-faire en la matière qui allie en même temps drame intimiste/action spectaculaire (et aussi un début d’histoire d’amour, forcément) a déjà été éprouvé chez nos amis coréens avec un tsunami dévastateur dans The last day de Yun Je-gyun, un incendie dantesque version tour infernale dans The Tower de Kim Ji-hoon, le traitement d’un virus contagieux version camp de concentration dans Pandémie (The Flu) de Kim Seong-su, la crise du logement version ‘home-invasion’ dans Hide and Seek de Jung Huh…

Sea Fog, et ses clandestins, réussit à allier un drame larmoyant et une action sanglante, le tout dans un quasi huis-clos. Presque tout le film se déroule en pleine mer sur le bateau (avec de la brume, de la pluie, des cabines, une cale irrespirable, une salle des machines et ses recoins…), une unité de lieu propice à faire monter la tension. Les clandestins sont moins des hommes traités comme des semblables mais plutôt de la marchandise dont on peut disposer, les quelques femmes sont d’ailleurs l’objet de convoitise où un peu plus de confort ou de nourriture se monnaient en faveur sexuelle. Un contrôle de la police maritime pourrait être évité en échange d’une liasse de billet… Une séquence-clé sera annonciatrice du désastre qui va suivre, celle où le petit rafiot prend en charge les clandestins que l’on découvre vraiment très nombreux. On sait évidement que les quelques marins-pêcheurs sont trop inexpérimentés et que tout va dégénérer. Le film se déroule en nous montrant ce que l’on pouvait redouter, mais en pire. En mer personne ne vous entendra crier.
Le film laisse une telle impression de maestria narrative et visuelle qu’on sera assez indulgent envers Shim Sung-bo de n’avoir pas resserré son montage d’une dizaine de minutes pour gagner plus d’efficacité.
 
Kristofy

 
 
 
 

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