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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Every Thing Will Be Fine
USA / 2015
22.04.2015
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LE SEL DE L’AMER
Curieusement, on n'aurait pas imaginé Wim Wenders sentimental au point d'être immédiatement fasciné par le scénario d'Every thing Will be fine tel qu'il lui fut envoyé par le jeune scénariste Bjørn Olaf Johannessen. Cette histoire assez banale de culpabilité, de travail de deuil et de rédemption semble pourtant avoir fait sur lui une assez grande impression pour le convaincre de revenir à la fiction 7 ans après Rendez-vous à Palerme. Il lui a même donné l'envie de poursuivre l'aventure de la 3D, si magistralement entamée avec Pina.
Dans l'absolu, on ne peut que se réjouir de voir un cinéaste de la trempe de Wenders continuer à faire des films, quels qu'il soit. Surtout après la splendeur de son dernier documentaire Le sel de la terre, magistrale démonstration de son savoir-faire, et surtout irréfutable preuve du regard engagé et précis que le cinéaste continue de porter sur le monde. Dès les premières images d’Every thing will be fine, on se dit que le cinéaste n’a en tout cas rien perdu de son élégance et de son sens du cadre.
A contre-pied de ce qu’il avait fait dans Pina, Wenders n’utilise plus la 3D pour filmer l’indescriptible spectacle de corps en mouvement, mais simplement la matière brute des visages et des êtres aux prises avec la réalité la plus dénuée de fard. Les minuscules particules de poussière qui flottent dans l’air lors de la séquence d’ouverture soulignent ainsi le sens du détail permit par un relief qui semble tout amplifier. Malgré tout, on oublie assez rapidement le procédé, qui n'apporte pas grand chose au récit, si ce n'est quelques effets de changement de focale. Car l’impression subjective d’être "au plus près" des personnages, ouvertement recherchée par Wenders, ce n’est au fond jamais par l’image qu’elle passe, mais bien uniquement par le récit et la mise en scène, comme le prouvent les plus belles œuvres sensibles de cinéma en 2D depuis 120 ans.
Dans Every thing will be fine, au contraire, on se sent toujours un peu en retrait, dans une distanciation qui étouffe toute émotion. Car malgré la tendresse effective que Wenders porte à ses personnages, ceux-ci font plus l’effet d’archétypes que d’êtres de chair et de sang. Il y a le prototype de l’artiste égocentrique qui nourrit son œuvre de sa vie et surtout de celle des autres (un James Franco un peu endormi), celui de la mère courage magnanime et digne qui reste forte quelques soient les circonstances (Charlotte Gainsbourg, fidèle à elle-même, c’est-à-dire efficace) et même quelques figues emblématiques de seconds rôles féminins qui jouent les utilités dans l’existence du personnage principal (Rachel McAdams, Marie-Josée croze). Même les questions posées sur le sentiment de culpabilité ou le pardon trouvent des réponses évasives et relativement convenues, là où on attendait de l'introspection et de la subtilité. Les atermoiements des personnages peinent alors à nous toucher, voire à nous intéresser, malgré la (trop) forte charge émotionnelle qu'ils véhiculent.
Par ailleurs, le choix de faire du film une vaste fresque qui court sur plus de dix ans renforce l'impression d'une intrigue diluée et amoindrie. Après une première partie plus dense, et admirablement sobre, les sauts dans le temps répétés cassent artificiellement le rythme plutôt contemplatif du film. Et puis, il faut l’avouer, la musique d’Alexandre Desplat, n’arrange rien : lyrique et omniprésente, elle semble souligner la moindre petite émotion et occuper grossièrement tout l’espace.
Bien sûr, réalisé par n’importe qui d’autre, ce conte presque moral aux accents flamboyants ne décevrait pas autant. Plus que ses choix formels ou ses procédés narratifs, c’est notre propre déception que l’on juge : déception face à une œuvre mineure, mais surtout déception face au retour en demi-teinte d’un cinéaste qui confine régulièrement au génie dans le documentaire, et ne parvient plus à convaincre avec ses œuvres de fiction. Bien sûr, l'expérimentation est à présent au cœur du travail du cinéaste, ce qui peut être une piste pour expliquer le soin extrême apporté à la réalisation, au détriment du scénario et du récit. Mais il n'en demeure pas moins frustrant de voir littéralement gaspillées des propositions de cinéma qui, utilisées à bon escient, seraient plus ambitieuses et excitantes que la majorité de la production contemporaine. Pour que chaque chose aille bien à nouveau, comme nous le promet le titre du film, il faudra probablement attendre que Wim Wenders retrouve un sujet vraiment digne de son talent.
MpM
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