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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Un peu, beaucoup, aveuglément
France / 2015
06.05.2015
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LE MUR DES CONCILIATIONS
«- Ah si ! Jeudi. J’a i reçu un coup de fil. Heureusement c’était une erreur.»
Pour son premier film, Clovis Cornillac a choisi une comédie burlesque à l’ancienne : un faux huis-clos théâtral. En 80 minutes, il fait le tour du sujet, parabole de nos rencontres à l’aveugle (aka Blind Date) et virtuelles. Ici, le prétexte à la distance est un simple mur, improbable (pour ne pas dire invraisemblable). Belle idée de départ. Deux voisins solitaires et névrosés ayant chacun besoin de se concentrer vont devoir cohabiter malgré eux puisque ce fameux mur est aussi épais qu’une porte de placard. « Ensemble mais séparément. »
Tous les codes sont respectées : lui ours mal léché, sans doute masturbateur, ne sortant jamais de chez lui versus elle oiseau blessé par un pervers narcissique, obsédée par son piano et étouffant sa vraie personnalité. Deux beaux névrosés qui (c’est du cinéma) ont de la chance d’être sexy : ça ne gâchera pas le final. On a beau dire, le physique ça compte, et on se doute que si l’un des deux n’avaient pas été avenants, l’épilogue aurait été différent.
Un peu beaucoup aveuglément n’est autre qu’une fable moderne, rafraîchissante et élégante. Comparée à la plupart des comédies françaises, celle-ci s’ancre au moins dans de louables références cinématographiques. Le scénario est un peu trop classique, parfois trop pudique, retenu même, bref ce n’est pas un Blake Edwards ou même La Guerre des Rose, mais Cornillac cinéaste a au moins soigné lumière, décors, et les situations les plus absurdes sont aussi les plus cocasses.
L’incommunicabilité des êtres (thème génialement mis en scène par Ernst Lubitsch dans The Shop around the Corner) est source de malentendus. Ici, l’originalité du sujet veut que ça en soit la solution. « C’est pas si facile le monde réel ». Horrible monde réel avec ces smartphones sur la table du restaurant, ces jeux abrutissants, ces concours oppressants, ou encore ces hypocrisies permanentes pour échapper à la médiocrité du quotidien.
C’est léger, divertissant, sans faute de goût. Sans doute un peu trop propre. On peut aussi regretter que le film ne se résume qu’à un quatuor complice, sans être réellement confronter à d’autres visions plus contradictoires. Cela ne les empêche pas de se pourrir la vie, puis de s’aimer de manière singulière, et enfin de ne plus supporter ce mur qui s’avère être un obstacle destructeur.
Le récit est sauvé par le personnage féminin, interprétée par la ravissante Mélanie Bernier. Parce qu’elle veut déployer ses ailes, prendre son envol, elle a davantage les pieds sur terre et l’envie de voir le monde. Mais en jolie Eurydice coincée dans l’enfer de son piano, elle a besoin d’un Orphée, qui ne doit jamais la regarder pour qu’elle puisse retrouver le plaisir et vivre sa musique librement. Entre folie dévastatrice et sourires aux bonnes répliques, la comédie assume ses clichés (le premier orgasme qui transforme la jeune fille coincée en bombe sexuelle), son aspect fantasque, ses délires (le dîner à quatre, soit deux fois deux) et sa simplicité. La cloison sert finalement à décloisonner les deux célibataires, fragiles et blessés. Mais comme tout mur, il est amené à chuter. Cependant, Cornillac, parfait en bourrin au grand cœur, a réussi à nous faire croire qu’il est encore possible aujourd’hui de se connaître avant de s’embrasser (et plus si affinités). Bref de se draguer comme autrefois avant de coucher. Aussi charmant qu’irréel.
vincy
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