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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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A la poursuite de demain
USA / 2015
20.05.2015
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FUTUR ANTÉRIEUR
«- Ils savent qu’un compte-à-rebours c’est mauvais signe. »
A la poursuite de Demain (aka Tomorrowland) renoue avec le divertissement tous publics (comprendre qu’il n’y pas de violence exagérée, d’hémoglobine ou même de moindre sexe) au service d’un film de science-fiction. Brad Bird suit ainsi les pas d’un Robert Zemeckis dans le registre du blockbuster qui peut s’adresser à tout le monde. En signant une fable consensuelle, le réalisateur de Mission Impossible IV revient surtout à sa marque de fabrique appréciée dans Les Indestructibles : un mélange de styles artistiques qui mixent un futur utopique et un passé nostalgique.
En prenant comme postulat que le futur évolue en fonction de nos époques, Brad Bird l’imagine de manière assez peu originale, en tout cas rien que l’on n’est jamais vu, des robots bricoleurs aux villes verticales et verdoyantes, en passant par l’armée de Men in Black sortis de Matrix. En fait, la plus grande frustration provient d’une promesse jamais réalisée. Le film démarre avec une introduction où Clooney, face caméra, explique le monde tel qu’il le voit, de manière assez cynique. Hors champs, une voix féminine essaie de relativiser et instaure un dialogue où s’affrontent pessimisme et espoir, même si, apparemment, le pessimisme l’emporte au moment du tournage de cette vidéo amateur. Le ton est alerte et amusant. Malheureusement, la suite sera exactement le contraire : trop sérieux et parfois assez confus, au point de ne pas vraiment tout comprendre à la première lecture.
Des années 60, où l’on s’imaginait en jet-pack à un futur proche où l’on désosse les fusées, jusqu’à s’envoyer en l’air dans un futur non daté mais très avancé, on nous promène dans des péripéties parfois sans queue ni tête. Gloire aux savants et grosses têtes nous affirme-t-on, les seuls vrais élus du monde moderne. Mais ceci n’explique pas réellement et clairement l’enjeu qui menace notre espèce. Si on comprend la menace, c’est parce qu’elle est énoncée, illustrée par un compte-à-rebours. Mais c’est tout. Le personnage de Hugh Laurie a beau symboliser le méchant, on ne capte pas très bien quelle est sa responsabilité.
Nous laissant ainsi dans certaines impasses, Brad Bird préfère fantasmer sur un film où la fiction importe moins que l’action, l’émotion y serait moins essentielle que la résolution d’un problème complexe énoncé comme s’il s’agissait d’un conte naïf pour enfants.
Evidemment, tout est très bien fabriqué : décors, effets spéciaux, montage, image. On est dans de la sophistication, celle de l’ère numérique. Pas un grain de sable ne vient gripper la machine qui va jusqu’à faire de la Tour Eiffel la première rampe de lancement pour voyager dans le temps. S’il n’y avait pas quelques digressions comiques et des séquences plus « spielbergiennes » (toutes celle dans le futur proche, de loin la seule partie cohérente et intéressante), on flirterait avec l’accident industriel, le nanar à gros budget. Comme on l’entend, à un moment donné, il faudrait se contenter d’être décérébrer (en complète contradiction avec le sens de cette histoire) : « on doit tout t’expliquer ? Tu ne peux pas juste halluciner et te laisser porter ? »
Mais voilà Brad Bird a quand même du savoir faire, et des outils qui lui permettent de créer de la magie, de nous donner l’illusion d’un grand film. A la poursuite de demain peut-être vu comme l’adaptation d’une attraction de Disneyland (appelée Tomorrowland). On retiendra davantage l’hypothèse d’une métaphore où le futur n’est qu’un rêve. Clooney incarne celui qui ne rêve plus et qui conduit ainsi le monde à sa perte. Grand rêveur quand il était gamin, il a perdu ce talent qui lui permettait d’avancer. Il vit désormais enfermé, paranoïaque, dans sa maison. C’est une adolescente, un peu rebelle, voire zadiste en puissance, qui elle ne renonce pas à ses idées et à ses combats, qui va inverser la tendance et « sauver » le monde. Elle refuse la propagande pédagogique et médiatique qui démontre que tout irait mal dans le monde. Dénonciateur d’un système qui détruit les espoirs comme les progressistes, Brad Bird veut croire que l’avenir sera meilleur grâce aux scientifiques, inventeurs, artistes, et sans les bureaucrates. Qu’il faut trouver les Eiffel, Edison, Verne et Tesla de demain pour changer le monde, qui « se vautre dans l’apocalypse ». Ceux qui veulent encore croire que l’homme pourra voler (fantasme hollywoodien par excellence). Dommage que le film ne soit pas mieux structuré, plus limpide et moins consensuel. Dépourvu de réelle émotion, disposant de scènes d’action peu impressionnantes, doté d’un final décevant, ce Tomorrowland a tout pour être fédérateur, séduire par son esthétique convenue et des dialogues parfois punchy. Mais pour Brad Bird, c’est avant tout une œuvre mineure, malgré l’ampleur des moyens dont il disposait et un pitch, à l’origine, fascinant.
vincy
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