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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La belle promise (Villa Touma)
/ 2015
10.06.2015
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FEMMES AU BORD DE LA CRISE DE NERFS
"Aujourd’hui, tout le monde en a. De mon temps, seule la haute société avait du diabète."
La séquence d’ouverture montre un départ sous le soleil et une arrivée dans la pénombre presque lugubre d’une vaste demeure qui vit dans le passé. En une trajectoire, Suha Arraf nous dit tout de ce qui attend son héroïne, la jeune Badia, qui quitte son existence banale mais joyeuse dans un orphelinat palestinien pour rejoindre la cage dorée qu’est la villa de ses tantes. Dans un premier temps, celles-ci l’écrasent par leur supériorité sociale et leur élégance appuyée. Puis elles décident d’en faire une des leurs, coûte que coûte.
Cette obsession offre au film de jolis moments de comédie, entre situations cocasses et personnages tournés en ridicule. Tout dans la volonté de paraître des sœurs Touma est risible, de leurs tenues vestimentaires extravagantes à leurs canons en matière de raffinement. Lorsque l’étonnant quatuor sort pour la première fois du huis clos de la villa, on réalise que l’histoire se déroule à notre époque, et non dans les années 60 comme on l’avait d’abord supposé. C’est que pour ces "demoiselles" d’un autre temps, la vie s’est arrêtée en 1967 avec la Guerre des Six Jours et la perte de leurs privilèges. Le présent (et notamment la situation dramatique de Ramallah et de la Palestine) reste aux portes de leur belle maison. Ce décalage permanent entre la réalité "objective" et la leur donne à l’intrigue une tonalité plutôt légère, renforcée par le talent inouï de ses interprètes tour à tour badines et odieuses, mielleuses et méprisantes, charmantes et terrifiantes.
Mais Suha Arraf ne veut pas sauver ses personnages, même par le rire ou le ridicule. Elle laisse alors l’histoire se diriger ouvertement vers le drame, teintant l’humour de noirceur, puis de cruauté. Il y a de quoi être un peu déçu par ce basculement du récit, qui semble malgré lui emprunter des chemins plus rebattus. La scène finale, toutefois, sauve le film du mélodrame pour faire apparaître, intact, le cynisme décalé de la réalisatrice. Portrait au vitriol de femmes aigries qui n’acceptent pas d’avoir gâché leur vie, La belle promise n’est pas à un sacrifice près pour démontrer la nature glacée, jalouse et égoïste de ses personnages dénués de scrupules, à défaut de cœur.
MpM
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