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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La Bataille de la Montagne du Tigre (The Taking of Tiger Mountain - Zhì qu weihu shan)
/ 2014
17.06.2015
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LA FORTERESSE
Le légendaire réalisateur Tsui Hark est connu pour avoir traversé des décennies avec des films où son goût de la mise-en-scène très spectaculaire fait merveille : L’enfer des armes en 1980, le syndicat du crime 3 en 1989, Time and tide en 2000, Detective Dee-Le mystère de la flamme fantôme en 2010… Aujourd’hui Tsui Hark semble être au sommet de la maîtrise de son art, qu’il s’agisse de récit à dimension humaine comme Le festin chinois ou All about women (découvert en festival mais resté inédit) ou de divertissements en tous genres tels Seven swords ou Détective Dee II-La Légende du Dragon des Mers (l’affrontement des bateaux en particulier). Ses films révèlent une ampleur toujours plus grande et ambitieuse.
Ce virtuose adapte aujourd’hui le roman Tracks in the Snowy Forest de Qu Bo (Bo Qu pour les esprits mal tournés) des années 50, soit une histoire vraie d’un soldat qui allait infiltrer le quartier général de bandits prêts à tout. Si le texte original semble très nationaliste et patriotique en faveur du système de gouvernance de l’époque, la même impression se dégage aussi de La Bataille de la Montagne du Tigre (plutôt normal puisque le film se présente comme un blockbuster chinois pour attirer en salles des millions de spectateurs chinois... et faire vibrer leur âme nationaliste). Hormis ce détail politiquement gênant, Tsui Hark signe incroyable fresque épique dotée de moyens à la mesure de son ambition : un myriade de personnages, une surabondance de scènes de combats, une 3D plutôt bien valorisée, la présence de stars comme Tony Leung et Yu Nan au casting, et finalement une durée de 2h20…
Pendant que la France était en guerre contre l’Allemagne durant les années 1939-1945, la Chine était en guerre contre le Japon qui avait envahi une partie du pays depuis 1937. Suite à la reddition japonaise en 1945 la Chine allait connaître encore une période de guerre civile, avec notamment les soldats de l’Armée Populaire de Libération du parti communiste… Il n’y aura pas besoin d’un cours d’histoire géopolitique pour comprendre l’intrigue du film qui se déroule principalement en 1946 : un gang exploite des villageois d’une région montagneuse, quand une petite troupe de soldats d’environ une trentaine d’hommes passe par là. Le chef des bandits est à la tête d’une forteresse réputée imprenable et organise des pillages aux alentours, et le capitaine soldat commande lui une petite troupe qui manque de nourriture et de munitions. Le capitaine va se faire un devoir de combattre ces bandits et leur chef, bien que le rapport de force lui soit autant défavorable que David contre Goliath…
Pour aider le spectateur à le suivre dans cette histoire, le film commence aujourd’hui en 2015 à New-York avec un jeune homme qui s’apprête à retourner à Pékin pour les fêtes de fin d'année, non sans une certaine nostalgie de la Chine, son pays d'origine. Progressivement le récit va basculer en 1946. Ce qui sera alors raconté devra être pris comme un exemple positif (message ou morale, appelons-ça comme on veut) pour les générations suivantes, avant un retour chargé de souvenirs au présent. Cet aller-retour vers des évènements méconnus du passé avant une conclusion dans le temps actuel renforce l'aspect témoignage véridique du récit. D’ailleurs d’autres grands films de guerre utilisent ce même procédé narratif: Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg ou Miracle à St-Anna de Spike Lee. Là aussi, il s’agit aussi de mettre en scène une histoire en hommage à ceux qui en se battant se sont révélés des héros dont il faut se souvenir.
Le film de guerre est un genre en soi avec ses codes obligés et ses clichés. C’est surtout propice à des scènes d’action originales et inventives, donc un terrain de jeu idéal pour Tsui Hark. Dans sa première moitié La Bataille de la Montagne du Tigre aligne différents coups d’éclats en terme d’action (renforcée par la 3D) tout en faisant découvrir les multiples personnages. Ensuite il met en place une stratégie qui consiste à s'infiltrer chez les bandits ennemis en se faisant passer pour un de leurs semblables en vue de d’une gigantesque bataille (Cheval de Troie), pour le plaisir de nos yeux incrédules et ravis. Et quand on se rend compte que l’histoire arrive vers sa fin voila que le film nous rajoute une cerise sur le gâteau avec en bonus une dernière séquence époustouflante d’une bagarre sur les ailes d’un avion dans les airs... Il y a du James Bond dans l'air.
Le film se révèle être un divertissement étonnant, brillant, trépidant, certes classique et même désespérément anachronique, comme il y en a de moins en moins de nos jours. La Bataille de la Montagne du Tigre est avant tout un morceau de bravoure de la part de Tsui Hark qui y déploie toute sa maestria de conteur visuel.
Kristofy
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