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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Microbe et Gasoil
France / 2015
08.07.2015
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LA ROUTE DES REVES
"Les caïds des récrés sont les victimes de demain."
Michel Gondry est l’un des rares cinéastes capable de resurgir film après film là où on ne l'attend pas, passant avec aisance d'une superproduction hollywoodienne à un projet intimiste, de l'adaptation d'un roman culte à un documentaire animé sur l'un des plus grands penseurs de notre temps. Chaque fois, le sujet et la forme ont beau différer, les films ont beau ne jamais être des redites, on retrouve au milieu de récit, de l'esthétique ou simplement de l'esprit général la petite musique intérieure de Gondry. Que l'on soit un inconditionnel de cette musique, ou juste un amateur intermittent, voire un farouche contempteur, impossible de ne pas la reconnaître, tant le cinéaste laisse son empreinte, décalée et poétique, sur tout ce qu'il touche.
C’est d’autant plus vrai dans le cas de son nouvel opus, Microbe et Gasoil, qu’il raconte cette fois une histoire d’amitié adolescente très largement inspirée de ses souvenirs personnels. A travers des scènes courtes et drôles, des situations décalées et des dialogues aussi savoureux que brillants, le réalisateur nous fait croire à la complicité très forte qui unit ses deux personnages. Leurs "aventures" (dont un road-movie purement jubilatoire qui lorgne du côté d’Une histoire vraie de David Lynch) sont bourrées de fantaisie et d’ironie, d’inventivité et d’espièglerie, mêlant expressions alambiquées et drôles ("Je fais pas de high five, c’est vulgaire"), scènes burlesques (foot au ralenti, vernissage d’exposition bondé), séquences bricolo (la marque de fabrique du réalisateur) et même propos politiques engagés.
Trois ans après The we and the I, Michel Gondry propose ainsi à nouveau une vision singulière de l’adolescence, non dramatisée même si tout est loin d’être rose, et se joue des thématiques traditionnelles dans ce type de films : le "langage jeune", les relations familiales, l’impopularité au collège, les premiers émois amoureux… Ce n’est jamais ni facile, ni naïf mais toujours tendre et sincère. A peine a-t-on le temps de regretter la petite baisse de régime de la dernière partie du film que l’épilogue (narquois) nous arrache un dernier éclat de rire inattendu. Le cinéma, sous couvert de dénonciation, est souvent complaisant avec le monde de l’adolescence, présenté comme une dimension extra-terrestre et binaire. Mais cette fois, on ne peut que conseiller de montrer Microbe et Gasoil aux ados pas trop bien dans leur peau (qui y verront l’opportunité de devenir un jour l’égal de Michel Gondry) et aux autres, qui apprendront avantageusement à nuancer leur coolitude… sous peine de devenir les victimes de demain. Car si la revanche n’était pas dans la note d’intention du cinéaste, elle est bien présente en filigrane dans le résultat final. De bonne guerre, non ?
MpM
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