Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Difret


/ 2014

08.07.2015
 



UN COMBAT PAS ORDINAIRE





« N’allez pas croire que vous allez lui sauver la vie.»

On craint toujours les histoires inspirées de faits réels au cinéma. Mais difficile de ne pas être touchée par celle de Difret. Cela se passe il y a 20 ans en Ethiopie. La condition des femmes est précaire : battues, violées, mariées de force. Il faut le courage de quelques unes, qui ont la chance d’être éduquées, indépendantes, pour faire bouger les lignes.

Le film met plutôt l’accent sur ces dernières, même s’il faut des victimes pour les valoriser. On est loin du cinéma africain tel qu’on se l’imagine. La narration est davantage calquée sur un modèle hollywoodien assez classique. Meaza Ashenafi (Meron Getnet, habitée par son rôle) est une Erin Brockovich d’Addis Abeba. Sa cause est une adolescente de 14 ans, Hirut (Tizita Hagere, parfaite dans le personnage), bonne élève, heureuse de passer en classe supérieure, mais qui va être enlevée par un homme qui la veut pour femme, sans le consentement du père. Il lui enlève sa virginité. En s’évadant de ce cauchemar programmé, elle le tue.

Désormais il faut convaincre qu’elle est bien une victime. Car tout n’est pas si simple. Dans son clan, elle mérite la mort pour avoir tué son kidnappeur, qui n’a fait que respecter les traditions (l’enlèvement prénuptial). Sa famille est déshonorée. Peu importe ce qu’elle a subit. Pour la Loi, on part de loin également puisqu’au aucun cas de légitime défense n’a jamais été accordé à une femme. La femme n’est qu’un bien, une propriété. Si on la bat, c’est par amour. Si on l’épouse, c’est par désir, qu’elle soit mineure n’y change rien.

Les mâles ont le sale rôle, ce qui explique que les femmes sont souvent entre elles, solidaires. Hormis le mentor de l’avocate, un journaliste et le père de la victime, ils ne veulent pas que leur pouvoir soit remis en question, ils voient en la femme libre une menace. Ils décident de tout, jusqu’à la mauvaise foi.

Au cœur de notre révolte intérieure, il y a ce sentiment d’injustice permanent qui manipule nos émotions (trop facilement). Mais il y a aussi ce portrait d’une Afrique en mutation, bien plus passionnant. Dans un pays sans registre de naissances, où l’influence est plus importante que la justice, Difret évoque une confrontation violente entre deux mondes. Ceux qui se battent pour le droit à l’éducation contre ceux qui rejettent la « civilisation », les livres, les professeurs et les grandes villes, ceux qui s’en remettent aux jugements du sage de la communauté quand d’autres pensent que le Droit a seule valeur de loi... Traditions ancestrales et coutumes éternelles contre des règles « modernes » et des nouveaux usages.

Avec un excellent « cast », le film s’offre un grand huit où les batailles sont alternativement perdues, gagnées, les combats désespérés ou vains. Rythmé, loin d’être indolent, Difret est plus vif que tendu, malgré le stress de quelques séquences. La caméra à l’épaule accentue cette impression de reportage. Avec deux héroïnes « rebelles », il illustre un cinéma africain qui aspire à toucher le plus grand nombre, en se calquant sur un modèle européen. Vu le nombre de prix du public que le film a reçu, c’est plutôt réussi, même s’il aurait sans doute gagné à être moins convenu, plus singulier. Le final n’amène aucun suspens, aucun retournement de situation, il est attendu. Et à trop manier les ellipses quand les situations semblent périlleuses voire dans l’impasse, à nous retirer le « plaisir » coupable d’une action pressentie (puisque amorcée mais jamais achevée), le réalisateur nous prive d’un film certes américanisé mais au moins assumé en tant que tel.

Cependant, par ce qu’il montre et raconte, Difret vaut le voyage. Car le fait réel est avant tout un acte historique. C’est une histoire unique, fondatrice. Qui permet de croire ou d’espérer qu’un monde meilleur est possible.
 
vincy

 
 
 
 

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