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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La Isla Minima
Espagne / 2014
15.07.2015
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TRUE DETECTIVES
La Isla Minima a raflé 10 prix Goya (les César espagnols) aux dépens d'El nino de Daniel Monzon, à nos yeux meilleur. La isla Minima véhicule l’identité profondément espagnole (le lieux, les gens, l’époque…) tout en étant exportable. Le réalisateur Alberto Rodriguez avait éprouvé son savoir-faire après avoir déjà mis en image les films El traje, Les 7 vierges, Groupe d’élite. Cette fois-ci, face à l’acteur Javier Gutiérrez, il y a la nouvelle coqueluche du cinéma ibérique Raúl Arévalo (déjà présent dans Balada triste de Alex de la Iglesia, le premier rôle dans Ghost graduation de Javier Ruiz Caldera et dans Les amants passagers de Pedro Almodovar). Une équation qui veut rivaliser avec les modèles du genre (Memories of Murder de Bong Joon-ho ou Zodiac de David Finch). Comme eux, La Isla Minima repose sur une enquête policière dont les ramifications sont multiples.
Le film se déroule dans les années 80, à l'époque où la fin de la dictature de Franco est encore une douleur vivace. On va se retrouver dans une Espagne qui nous est plutôt inconnue, une Andalousie où les villages sont renfermés sur eux-mêmes, dans une contrée aux nombreux marécages. Deux sœurs d’environ 16 ans sont disparues… Les gens sont plutôt taiseux face aux deux policiers qui vont arriver. D’ailleurs le sujet de préoccupation du coin penche plutôt du côté des ouvriers des champs qui font grève pour obtenir une augmentation. On découvre une région rurale plutôt sauvage où la loi du silence est une habitude : les villageois face aux étrangers, les ouvriers face au riche exploitant terrien local, les femmes face à leurs maris. Les évènements qui vont suivre vont un peu déranger cet équilibre imposé…
Les pistes d’une fugue ou d’un enlèvement sont envisagées avant que l’affaire ne soit reliée à un autre crime sexuel sur une autre adolescente. Les deux policiers sont très différents l’un de l’autre et ils forment un duo par obligation professionnelle plus que par amitié. Avec chacun leur méthode, ils vont devoir travailler ensemble pour faire progresser l’enquête et en même temps essayer de se comprendre l’un et l’autre. Ils vont parler à différents protagonistes qui tous semblent ne pas complètement tout dire. Ils n’enquêtent pas véritablement, ils suivent plutôt les différents indices qu’ils reçoivent au fur et à mesure (y compris des envois anonymes). En fait on les verra peu agir sur la recherche d’informations mais plutôt réagir aux informations qu’ils trouveront.
Pour qui familier des séries télévisées, ce film La Isla Minima souffre d'être (trop) proche de la série True detective: à la place de deux détectives dans le bayou de la Louisiane, nous retrouvons leurs clones dans la pampa espagnole. Même la fin ouverte du film semble être un appel à une suite d'une nouvelle saison. Mais plus que l’évolution de l’enquête (qui parfois traine en longueur ou fait des détours), plus le sujet du film est plus centré sur les personnages, le lieu, une autre époque. C'est alors que La Isla Minima propose un intriguant voyage… Des vues aériennes du prologue, nous allons nous enfoncé dans l'intime, la noirceur des êtres rongés par des décennies de dictature. En France, le même film se situerait après la seconde guerre mondiale, avec un flic ayant servi durant l'Occupation et l'autre prêt à devenir ami des pacifistes allemands. Entre la Guerre civile des années 30, les années Franco, et loin de la Movida, La Lisla Minima est avant tout le portrait d'une Espagne qui n'a pas résolu son passé, et continue de s'affronter encore aujourd'hui, au gré des élections, entre progressistes et ultra-conservateurs. Mais il manque une singularité, une véritable tonalité singulière pour que le polar se distingue réellement de ses références.
kristofy
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