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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le combat ordinaire
France / 2015
15.07.2015
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COURAGE FUYONS
«J’sens bien que t’as peur, mais ça n’explique pas tout. T’es en train de me faire du mal. »
En trois chapitres, là où la bande dessinée de Manu Larcenet se déclinait en quatre tomes, Le combat ordinaire est à la fois le portrait d’un homme subissant son époque, sa famille, la pression de la société et la photographie d’une France malade, hantée, incapable de se libérer de sa nostalgie. C’est paradoxalement une descente presque infernale qui va faire glisser Marco vers l’émancipation et le bonheur.
Sans doute Laurent Tuel a-t-il été happé par ce sentiment de dépression envahissant qu’inspire le sujet tant la tonalité du film est sombre. Contrairement à la bande dessinée, il n’y a aucune couleur joyeuse pour laisser respirer son histoire. Même le personnage imaginé par Larcenet, fumeur de pétard et adulescent permanent, se transforme en trentenaire solitaire. Il n’y a qu’à voir le premier plan : il bouffe ses cachetons pour palier une énième crise d’angoisse. Le combat ordinaire c’est celui que Marco mène contre cette famille si banale et si étouffante, ces principes conventionnels (mariage, paternité), les peurs des autres (Front national, chômage) ou encore ce temps qui se percute : les guerres du passé (celle d’Algérie pour son père, peu glorieuse, celles où il était photographe, bien établi), les conflits du présent (l’éthique face ce voisin responsable de tortures, l’alzheimer du paternel, l’amour de sa véto), le vide du futur.
Laurent Tuel reprend l’essentiel des albums de Manu Larcenet, et dépeint une France plutôt grise anthracite que grise perle. Cependant, si les dialogues de la BD font toujours mouche, l’ensemble s’avère trop plombant pour nous emmener trop furtivement vers un épilogue heureux, accompagné d’une jolie musique, sereine. Comme le personnage principal, incarné par un Nicolas Duvauchelle plus charismatique que le Marco dessiné, le cinéaste préfère l’absence à la présence, la souffrance à l’instant présent. Même l’aspect le plus réjouissant, ce côté anticonformiste, presque ermite rejetant le monde moderne, tout en s’en préoccupant, est gommé par une succession de scènes où les conventions ont le dernier mot, au nom de l’amour plus que de la morale, de l’amitié plus que des convictions.
Il y a bien parfois cette touche de thriller inquiétant, ces insertions d’onirismes intrigants, mais on ne palpe pas ce qui est précieux et on regrette la foison de quantités négligeables. Le cinéaste n’approfondit pas assez le discours socio-politique, survole parfois trop la romance, ne fait que ponctuer son histoire de quelques séquences réellement intenses. Le scénario est un peu maladroit. Il ne trahit pas assez, respecte trop le matériau d’origine.
C’est d’autant plus dommageable qu’il y avait un angle sur lequel le cinéma pouvait apporter son grain : la photographie, métier de Marco, outil de mémoire par excellence, versus l’oubli (l’alzheimer du père, les horreurs d’Algérie, le fascisme de la seconde guerre mondiale). On n’en retient que les traumas et pas l’enrichissement éventuel, la douleur et pas la sagesse. Il y a comme une résignation au final à s’habituer à tout, à démissionner, à se suicider, à fuir le combat (c’est une tactique). Plutôt que de se souvenir des belles choses, le film préfère montrer qu’il est difficile de les vivre.
vincy
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