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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La belle saison
France / 2015
19.08.2015
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LES COMBATTANTES
"On n’est pas contre les mecs, on est pour les filles."
Comme s’il était incapable de se confronter frontalement avec les grands mouvements sociaux ou historiques, le cinéma français s’est fait une spécialité d’aborder ce type de sujets par la bande, à travers des histoires intimes, voire sentimentales, qui finissent souvent par occuper toute l’intrigue. Cas d’école avec cette Belle saison qui nous plonge dans les combats féministes du début des années 70 avant d’aller s’enterrer à la campagne pour observer les difficultés du personnage principal à appliquer ses principes à sa propre vie.
Si observer cette impossibilité à vivre selon ses convictions est intrinsèquement captivant, le virage brutal du film s’avère malgré tout fondamentalement frustrant. Comme si la réalisatrice abandonnait une intrigue en cours (la progression du mouvement féministe, ses luttes et ses conquêtes) pour se concentrer sur une autre histoire, presque un autre film. Or, à partir du moment où elle transfère les deux héroïnes à la campagne, avec d’autres enjeux, la chronique de l’époque disparaît du tableau pour laisser place à une atmosphère presque hors du temps. Même le rythme (planplan) de cette seconde partie contraste avec la vivacité joyeuse de la première qui mettait le mouvement et la parole au cœur de l’image.
Heureusement, Catherine Corsini s’en sort mieux avec ses personnages qu’avec le scénario. Si la progression du récit est émaillée de maladresses, la définition des principaux personnages sonne juste. Cécile de France rayonne en femme libérée décomplexée. Elle compose un personnage très physique, souvent filmée nue, qui assume son corps comme les élans de son cœur. Face à elle, Izïa Higelin est plus renfermée, plus ambivalente. Une fois encore, on ne peut pas dire qu’on soit totalement convaincu par son jeu relativement binaire, mais elle apporte une force et une obstination qui donnent une vraie profondeur à son personnage. Même les seconds rôles existent en quelques scènes ou quelques répliques : l’amoureux éconduit, la mère étouffée par les conventions, l’ami fidèle…
Bien sûr, ils n’empêchent pas le propos d’être souvent didactique, ce qui constitue probablement le plus gros défaut du film. Toutes les péripéties de l’intrigue convergent vers une fin consensuelle et policée où l’émancipation est le fruit d’un long travail sur soi et surtout de nombreux sacrifices. Réaliste, bien sûr, mais surtout extrêmement balisé et prévisible. Car, n’ayant pas su faire preuve du même grain de folie que ses héroïnes, Catherine Corsini a perdu en cours de route l’état d’esprit audacieux de cette Belle saison qu’elle ne parvient pas tout à fait à ressusciter.
MpM
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