|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Red rose
/ 2014
09.09.2015
|
|
|
|
|
|
EN VERT ET CONTRE TOUS
"C’est la fin qui est difficile, comme pour tout."
Avec Red rose, la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi prend clairement le parti de raconter la grande histoire par le prisme de la petite en imaginant la rencontre impromptue entre une jeune femme très engagée dans le mouvement de contestation de la "vague verte" (suite aux élections usurpées de juin 2009) et un homme mûr qui fut un acteur de la révolution de 1979. Ce point de départ très simple lui permet à la fois de décrire la réalité du mouvement, de dresser un parallèle entre les deux générations de contestataires et de s’attaquer frontalement aux différents tabous de la société iranienne. Le film allie ainsi les images d’archives de la révolution, qui montrent les revendications des participants et la violence de la répression, à des scènes d’amour extrêmement crues où le sexe lui-même devient un acte politique.
Dans le huis clos de l’appartement où se retrouvent les deux amants se rejouent ainsi inlassablement les enjeux du dehors, mais aussi, en creux, ceux du passé. A l’enthousiasme de la jeune femme répond le pessimisme de l’ancien révolutionnaire qui ne croit plus en la force de la mobilisation populaire, et souffre encore de l’échec de son propre combat. Le spectateur, qui connaît l’issue finale du mouvement de 2009, sait que tout espoir est effectivement illusoire, ce qui renforce le climat anxiogène du film. Rien ne semble vouloir éclaircir l’horizon des deux personnages qui trouvent à peine dans leur relation le réconfort dont ils ont pourtant désespérément besoin. Car même l’amour est rendu impossible par les lois du régime iranien.
A travers les conversations des deux amants, la réalisatrice assène un portrait peu amène de la société iranienne, notamment lorsque la jeune héroïne plaisante sur les innombrables "lignes rouges" à ne pas franchir, ou quand les images d’archives de 2009 montrent sans fard la violence volontaire des forces du régime contre les manifestants. Hélas, cette volonté de dénoncer toutes les facettes d’un état autoritaire et brutal l’entraîne parfois dans un didactisme voyant. La construction du film, notamment, surligne chacun de ses propos, avec une alternance systématique de scènes en intérieur, d'images d’archives présentant la lutte et les affrontements, de tweets qui résument loint de vue des contestataires et de scènes quotidiennes censées montrer le détachement apparent du personnage masculin. On a peu à peu l’impression d’assister à une argumentation maladroite plus qu’à une histoire de fiction.
L’autre grande faiblesse de Red rose tient dans l’interprétation de Mina Kavani (dans le rôle de Sara) dont le jeu maniéré sonne faux. A trop vouloir en faire l’allégorie de la jeunesse iranienne (femme libérée qui voudrait être libre), Sepideh Farsi rend son héroïne caricaturale et monolithique, mais surtout particulièrement agaçante. La répétition des scènes de retrouvailles en huis clos accentue cette sensation de ne pas avoir à faire à un personnage de chair et de sang, mais à l’esquisse d’un archétype servant de prétexte à une démonstration à charge. Le contexte et la réalité historique auraient pourtant suffi amplement à dénoncer le hold-up démocratique réalisé par le régime, sans avoir besoin de surdramatiser le récit.
On se laisse en revanche complètement cueillir par l’épilogue du film, que l'on attendait tragique, et qui se révèle glaçant au-delà de toute attente. Dans cette fin qui évoque d’une certaine manière le 1984 de George Orwell, il ne reste en effet pas plus de place pour l’espoir que pour le choix d’un sacrifice qui aurait au moins le mérite d’être romantique et volontaire. Mais dans la société iranienne dépeinte froidement par Sepideh Farsi, aucune échappatoire ne peut être possible, si ce n’est les manœuvres insidieuses d’un régime triomphant. MpM
|
|
|