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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Brooklyn
France / 2015
23.09.2015
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LETTRES DIONYSIENNES
« - Vous connaissez pas Djanfo ? Django Reinhardt ?
- C’est grave ?
- Bah oui quand même ! »
D’entrée de jeu Pascal Tessaud nous emmène dans un nouveau départ, une nouvelle vie, celle de la jeune rappeuse Coralie, aka KT Gorique. De la Suisse à la naphtaline à Saint-Denis et sa scène de slam/rap/hip hop foisonnante, Brooklyn, surnom de la jeune rappeuse dans le film, nous embarque dans une balade urbaine et impressionniste. Avec son casque audio, comme un prolongement naturel d’elle-même, la jeune femme (épatante et juste KT Gorique) trace son chemin vers ses ambitions : la scène, le studio, bref ses mots, sa rage, ses sentiments (clairs, jamais obscurs) enregistrés et clamés.
Car elle transpire l’art. Elle est Cendrillon qui attend son producteur charmant. En attendant, de ménages en cuistot, elle enchaîne les boulots. Discrètement sa poésie, sa sincérité vont se faire une place entre ambitieux, requins, petits pourris, menteurs. Un seul reste intègre Yazid, qui croit à l’émancipation par la musique, l’expression personnelle, la solidarité.
Au milieu de tout cette frime, de ce son omniprésent, de cette misère sociale quelques histoires se tissent pour organiser un récit qui ne parvient malheureusement jamais à se construire dramatiquement. Brooklyn ressemble davantage à une fable (en rimes) dont certains passages auraient été oubliés. Le montage par à coups dictent davantage l’urgence et la brutalité des situations qu’une quelconque écriture dramaturgique. De cette errance, le cinéaste tire quelques beaux moments, manipulant parfois la chronologie, s’abandonnant aussi à des instants plus contemplatifs. Mais il se perd aussi dans une histoire portant très simple où la plausibilité ou l’explicatif n’ont pas vraiment leur place.
Les personnages secondaires, à commencer par la logeuse, Odette (formidable Liliane Rovère), mais aussi Issa l’amoureux transi qui fait les mauvais choix ou l’opportuniste Elisabeth, comblent les trous. Ils sont les ombres du théâtre de Brooklyn. Peu importe les erreurs du scénario, les flous qu’il laisse en suspens, Pascal Tessaud cherche la sensation pure, l’émotion brute, celle que peut provoquer un rap envoyé dans la gueule. Il laisse bouillir à feu doux son héroïne pour mieux la faire exploser et lui donner ainsi toute sa légitimité, malgré les embrouilles d’une intrigue mal ficelée.
S’il s’enlise dans les séquences plus didactiques (comme cette opposition entre les banlieusards de souche et les bobos importés) , il réussit à dessiner un portrait psychologique subtil et sympathique d’une jeune femme bien dans ses baskets, en phase avec son époque. A l'inverse d'un Dheepan, le regard est plus juste, plus généreux aussi, plus fidèle au réel. Il y a du Spike Lee, première époque, dans ce Brooklyn. On comprend ce désir vital de tagger un mur avec des mots qui sonnent. On est loin de La Haine ou de Ma 6-T va craquer. Ici, la voix est un instrument précieux qu’il ne sert à rien de forcer face aux injustices : il suffit de rapper ou de slammer.
vincy
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