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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Une jeunesse allemande
France / 2014
14.10.2015
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BANDE A PART
"On ne peut pas lutter sans violence dans une société devenue violente. "
Réalisateur de courts métrages reconnus et primés dans le monde entier, Jean-Gabriel Périot passe au format long avec Une jeunesse allemande, film de montage édifiant qui narre l’histoire des protagonistes de la RAF à travers des images d’époque. Extraits de films de Meins ou Meinhof eux-mêmes, apparitions télévisées, emballement médiatique suite aux premiers attentats… le cinéaste utilise une matière riche et complexe pour raconter en parallèle le basculement dans la violence armée d’une poignée de jeunes intellectuels pourtant promis à un brillant avenir et la révolution des images qui s’opère à la même époque à la télévision allemande.
Mettant à mal les poncifs sur le terrorisme "aveugle, brutal et malade", le film présente des jeunes gens engagés et cultivés, intégrés à la société et très régulièrement invités par les médias, qui croient dans la force du cinéma pour changer les mentalités. On observe avec distance leur radicalisation progressive ainsi que l’évolution de la manière dont les médias les présentent. La radicalisation est en effet contagieuse : tandis que les étudiants révolutionnaires embrassent la lutte armée, l’Etat choisit une réponse autoritaire et furieuse qui empêche définitivement toute issue non tragique. La télévision joue ici son rôle de catalyseur de la répression en donnant peu à peu la parole non plus aux insurgés, mais à leurs opposants déchainés qui ne supportent aucune contradiction, et sont autorisés pour la première fois à s’adresser directement face caméra au spectateur lui-même. Au-delà de la genèse de la RAF, Une jeunesse allemande pose d’ailleurs clairement la question des images, de leur pouvoir et de ce qu’elles disent d’une société.
Jean-Gabriel Périot, qui ne nie pas une certaine subjectivité dans la construction du récit, s’éloigne ainsi du simple documentaire historique pour offrir un point de vue riche et complexe sur un passé qu’il ravive en le mettant en perspective de notre époque. Une jeunesse allemande fait en effet souvent écho aux problématiques actuelles, et induit notamment une réflexion captivante sur le terme "terrorisme", son utilisation et ses conséquences. Il donne également l’impression que les mêmes erreurs se répètent, de la stigmatisation bête et méchante des "terroristes" aux réponses uniquement sécuritaires. Pourtant, de par son absence de voix-off, le film laisse le spectateur libre de toute interprétation et ne tombe pas lui-même dans la propagande ou le didactisme. Il renoue ainsi avec un cinéma politique élégant et riche qui préfère amener le spectateur à s’interroger plutôt qu’à lui asséner des réponses toutes faites. L’essentiel, dans sa démarche, est d’aller au-delà des évidences pour chercher sa propre vérité. Une vérité forcément ambivalente, comme le monde et l’être humain, qui concilie à la fois la tristesse face à des gens qui se trompent, le regret face à ces destins brisés et l’empathie pour des jeunes gens brillants qui auraient pu choisir une autre voie pour améliorer la société.
MpM
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