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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Crimson Peak
USA / 2015
14.10.2015
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GHOST WITH THE WIND
"Les fantômes existent. "
Guillermo Del Toro est de retour avec un film de genre entêtant aux choix esthétiques tranchés : couleurs, musique, émotions, tout est exacerbé pour donner à Crimson Peak l'exacte patine romantique nécessaire à cette histoire d'amour et de fantômes aux accents gothiques presque effrayants. Si l'intrigue en elle-même demeure relativement classique, le film vaut absolument pour la tonalité flamboyante et esthétique que lui insufflent le style et les effets visuels adoptés par le cinéaste. L'ambiance, ici, est tour à tour anxiogène et glaçante, déshumanisée et douloureuse. Un chef d’œuvre de direction artistique et de mise en scène.
Le récit repose quant à lui sur une opposition complexe et captivante entre deux formes de sentiments. À l'impossible histoire d'amour pure et absolue qui unit les deux personnages principaux répond en effet un amour monstrueux et maudit qui vient presque excuser les exactions qu’il suscite. Dans ce combat déséquilibré, le bien et le mal apparaissent alors relatifs et fragiles, tragiques et dérisoires. Car aucun des trois protagonistes ne peut fondamentalement être heureux, que ce soit avec ou sans les deux autres.
Dans ce trio magnifique, les acteurs jouent une partition monumentale où ils sont tour à tour solistes. On adore Jessica Chastain en veuve noire terrible et résolue qui, malgré son karma exécrable, arrive à nous inspirer sympathie et pitié. Mia Wasikowska incarne à la perfection une fausse ingénue au caractère bien trempé. Deux femmes de poigne et de résolution qui étoufferaient presque le principal personnage masculin, s’il ne s’agissait de l’excellent Tom Hiddleston, ambigu, désabusé et terriblement attirant en séducteur désargenté déchiré entre deux femmes.
Et les fantômes dans tout ça ? Eux aussi jouent joliment leur partie. Terrifiants à souhait et en état de décomposition avancée, ils hantent l’héroïne avec constance et mesure, la prévenant obligeamment (mais un peu obscurément) des dangers qu’elle courre, et surtout la guidant sans aménité dans sa quête de la vérité. De son côté, Guillermo Del Toro en rajoute un peu dans le macabre en agrémentant le film d’insectes morts ou en train de se faire dévorer, et en imaginant un manoir lugubre et sinistre propices aux rencontres spectrales. On atteint également des summums de beauté sépulcrale face à la vision de la neige apparemment mêlée de sang (en réalité de la terre rouge) qui entoure le domaine. Autant dire qu’il s’en donne à cœur joie dans l'allégorie !
Que l’on soit dans son élément, ou égaré par erreur dans la salle, on succombe donc sans résistance au parfum enivrant de ces effusions funestement romantiques dont la morale pourrait être que si les fantômes sont bien aimables de nous protéger d’une mort dont ils connaissent les désagréments, une histoire d’amour absolue vaut tous les dangers du monde, visible comme invisible.
MpM
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