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Fire is coming...
«Tournez vos armes...tournez vos armes vers Snow!»
2 milliards de dollars plus tard, le dernier épisode de la saga Hunger Games s'ouvre sur une Katniss en souffrance. Souvenez-vous, Peeta (son amour imposé) l'étrangle sauvagement après avoir été lobotomisé par le président Snow dans la première partie.
Ici, le « jeu » débute sur Katniss aphone et émanant d'une douleur que l'on ressent à travers ses yeux et sa voix brisée. Jennifer Lawrence, girl next-door et héroïne glamour, s’impose d’emblée. Si on se demande pourquoi cette série « youth adult » est supérieure à ses avatars Divergente et autres Labyrinthe, c’est sans doute parce qu’il y a Jennifer Lawrence…
La prestance et le talent de la fille aux mille feux vont couvrir toutes les émotions : De la haine à la souffrance en passant par la suffisance, Katniss semble passer par tous les stades du deuil en quelques battements de cils accompagnés de larmes, de cris, de crises d'angoisse et de bave tout en restant une apprentie Xena en puissance. Le masque de fissure, les épaules tombent. Un détail suffit pour traduire son expression. Cela peut aussi être un costume (il faudra un jour faire une thèse sur les costumes de cette saga). Car la jeune femme est sur plusieurs fronts : le cœur, la raison, la passion. Elle joue individuel et collectif, pour sa liberté et contre la tyrannie.
Ce dernier épisode confirme le fait que Hunger Games fait partie de ces sagas légendaires, après Star Wars, Harry Potter et autres Indiana Jones. Tandis que les geeks masculins ont la princesse Leia en esclave de Jabba, les geeks féminines ont Peeta en maniaco-dépressif brûlant de haine. Vêtu de noir, le petit blondinet représente à lui seul le deuil de son innocence perdu au fil des épisodes. Terminé le gentil Peeta attentionné qui faisait du pain et incarnait le gendre idéal et place au bad boy en souffrance qu'on a envie de soigner et avec qui on accepterait bien de se faire menotter à un lit à baldaquin (tu peux te rhabiller Christian Grey!).
En effet, dans ce dernier opus, il est le deuxième personnage que l'on remarque après Katniss, au point qu'on aurait presque envie de voir un spin-ff de Hunger Games à travers lui!
Mais les qualités du film ne s'arrêtent pas à sa vedette et ses acolytes. Le scénario est bien ficelé et très fidèle au livre. Même si la scission en deux films du dernier tome affaiblit l’ensemble de la tétralogie. Cette décision purement cupide étirait la première partie de La Révolte. Il ne dynamise pas plus ce second opus. Syndrome Reliques de la mort.
Accompagné d’une bande-son enivrante orchestrant une l'action suffocante et assez captivante, Hunger Games 4 est une œuvre hybride entre divertissement spectaculaire hollywoodien et drame critique d’une société orwellienne. C’est évidemment ce discours « politique » qui nous a accrochés dès le premier film. Un discours qui est avant tout visuel. Le spectateur doit lui-même interpréter ce qui est dénoncé. Et ne comptez pas sur les héros pour expliquer, analyser, s’auto-analyser : ils font la révolution, gèrent leurs sentiments contradictoires, leurs peurs. Le spectateur pourra toujours se réjouir de ce cirque visuel : le film continue, malgré tout, de faire le lien entre la parabole (nos addictions à l’image, la manipulation des masses) et notre époque, sans trop de dialogues.
En même temps, qui aurait le temps de réfléchir entre une scène d’attaque de mutants (sortes de zombies/lézards hideux qui coupent l'appétit) avec une 3D plutôt bien réussie (pour une fois!) - on frôle la crise d'angoisse sur notre siège - et celle du mariage de Finnick où la musique et les rires retentissent tels le carillon funeste d'une révolte bien trop difficile pour les protagonistes.
Justement, la noirceur des personnages, tous abîmés par la révolte, est accentuée par une réalisation plus sombre et très froide comparée au premier opus: la patte de Francis Lawrence (Je suis une légende) se fait sentir. Hunger Games 4 se veut réaliste avant tout. Quitte à déconcerter ceux qui ne veulent que des jeux du cirque. C’est un paradoxe. Car si le premier épisode avait tant séduit c’est bien pour son jeu d’aventure filmé comme un « survival movie ». Au fil des chapitres, la série a viré vers le péplum, tentant un difficile équilibre entre ses fondamentaux (les épreuves télévisuelles) et son motif (combattre la dictature). Le pire était à attendre : soit un pur blockbuster sans saveur, soit un mélange indigeste entre l’action et la morale.
Bien sûr, la bataille finale nous arrache les poumons avec force et férocité, nous laissant bouche bée devant l'écran. Mais on en a vu d’autres. On est davantage éberlués par l’absence de fin « classique ». Chacun y verra midi à sa porte. Mais Katniss restera Katniss, le dilemme amoureux n’aura pas lieu et l’épilogue ne satisfera pas complètement les appétits sanguinaires. La réalité impose que tout ne soit pas résolu et que les personnages ne changent pas tant que ça.
Des jeux qui laisseront certains sur leur faim ou, pour d’autres, les rassasieront. En tout cas, globalement, des jeux, sans jeux, réussis même si leur résolution ouvre toutes les interprétations (gage d’audace ceci dit pour une telle production). Hunger Games restera comme l’une des meilleures visions « mainstream » de notre société de surveillance et du machiavélisme des médias.
Cynthia
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