Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les Suffragettes


Royaume Uni / 2015

18.11.2015
 



LES COMBATTANTES





« Pour que je respecte la Loi, il faut que la Loi soit respectable »

Il y a cent ans, les femmes n’avaient pas le droit de voter dans la quasi totalité des pays. Les Suffragettes s’intéresse à la radicalisation du combat des femmes. Les « bonniches » se révoltent. Les « soumises » s’émancipent. Pour percer ce plafond de verre, les sacrifices seront grands, il faut faire confiance à un scénario calibré pour nous toucher, et les combats seront violents, à commencer par l’Etat qui les traite comme des terroristes.

La désobéissance civile est un sujet passionnant si le scénario est à la hauteur. Si certaines scènes frappent par leur choc inattendu, le récit reste très lisse pendant une grande partie du film. On est bien plus intéressé par les conditions de vie de cette prolétaire éprouvée que par le combat dans lequel elle s’engage. Et le caméo de Meryl Streep ne donne pas l’élan espéré.

Bien sûr il y a le cadre historique, synthétisé. Apprendre que ce combat égalitariste est devenu une affaire d’Etat qui a entraîné des incarcérations et des tortures de femmes « comme les autres » hérissent le poil. La police se dote des premiers moyens de surveillance et n’hésite pas à tabasser les combattantes. Violence d’Etat légitimée. A cela s’ajoute la condition féminine (harcèlement sexuel et inégalité salariale au travail, femme à tout faire au foyer) qui rappelle la longueur du chemin à parcourir face à la domination / oppression des hommes.

Carey Mulligan porte admirablement le film en incarnant l’héroïne fictive symbolisant cette lutte (internationale). De sacrifices en injustices, de renoncements en affrontements, elle concentre à elle seule toute l’intensité du film, toujours proche de l’implosion, malgré un scénario trop convenu, où on attend toujours un dénouement hollywoodien. Parmi les seconds rôles, Ben Whishaw aurait sans doute mérité un personnage plus ambivalent, évolutif, que ce rôle de mari assez binaire. En revanche, Brendan Gleeson impose une prestance et des nuances plus valorisantes, grâce à ses doutes et une forme de compassion contredite par l’autorité qu’il représente.

Les Suffragettes, au delà du sujet même qui fait encore écho à notre époque, a pourtant le mérite de nous surprendre. Là où nous avons craint un drame consensuel avec happy end, le film va s’embarquer dans une autre direction. A abandonner sa vie morceau par morceau, à lâcher tout ce qui forgeait sa vie, le personnage de Mulligan se libère et fonce vers un destin difficile, mélange de bravoure individuelle et de force psychologique intérieure. La cause l’emporte sur sa vie. La fin justifie les moyens.

Dans la dernière demi-heure, le film prend ainsi, enfin, son élan, comme s’il y avait urgence. Le mélodrame s’efface complètement pour laisser la place à une œuvre plus romanesque où le rythme s’accélère. Nul compromis, nulle concession : le final est martial, les femmes sont solidaires, le deuil est national. L’épouse, la mère, l’employée est devenue une femme engagée, qui a su donner un sens à sa vie, loin de son utilitarisme programmé. C’est là que Les Suffragettes nous emporte. Sous son vernis, le film apparaît plus subversif et moins prévisible, très violent psychologiquement même s’il manque quelque chose pour nous remuer intérieurement. Parfois émouvant, souvent passionné, cet éloge du combat féministe et égalitariste, rappelle les épreuves violentes que ces femmes ont du traverser pour obtenir le droit de vote, et même l’autonomie (divorce, garde d’enfant… Il remplit son contrat. Et prouve une fois de plus que Carey Mulligan est une actrice charismatique, même dans le cadre de films en apparence sages et formellement classiques.
 
vincy

 
 
 
 

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