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LE ROYAUME DE L’IMAGINAIRE
« Le chêne ne pousse pas à l’ombre des cyprès.»
Il est impossible d’adapter des poèmes au cinéma. Pourtant c’est le pari de la productrice Salma Hayek en transposant l’œuvre littéraire de Khalil Gibran, Le Prophète. Huit poèmes, parmi les 28 textes du recueil originel, odew à la vie, la nature, la liberté, l’amour, et même la mort, qui sont illustrés par des grands maîtres de l’animation. Chacun y impose son style pour traduire l’essence du texte, chanté ou parlé. Les styles divers sont étonnement harmonieux et parfois subjuguent par leur esthétisme. Il y a une ambition à la Fantasia. Si le Disney compilait des grands morceaux de classique, sans fil conducteur autre que l’harmonisation visuelle de ses créateurs de l’époque, Le Prophète a opté pour un récit classique ponctué de paraboles conçues comme des « courts métrages ».
L’ambition peut paraître démesurée. Pourtant, artistiquement, chacun de ses « courts » poétiques, allégoriques parfois, est séduisant et, parfois, comme on l’a dit, sublime. Comme des tableaux qui s’animent, ils nous évadent dans des songes que seule l’animation peut reproduire. Malheureusement, l’histoire principale n’est pas à la hauteur et le choix stylistique de Roger Allers (Le Roi Lion) pour décrire l’ile imaginaire d’Orphalese semble plus kitsch et cliché que réellement inspirée. Trop classique, manquant de panache, cette trame ne captive jamais, malgré des personnages qui ne manquent pas de caractère. A partir de cette ballade sur un air de comédie italienne, gags compris, Le Prophète rate cette association entre la fable enfantine, trop simpliste, et la grâce des poèmes, plus audacieux.
Pas facile de créer une dynamique, un tempo, une magie quand on nous emmène dans les rêves de Tomm Moore, Joann Sfar, ou encore Bill Plympton, et que l’on doit, après, revenir à cette amitié un peu plate entre une gamine rejetée et un poète adulé. Cela étire un film pourtant assez court et certainement beau. Cependant, le message délivré, humaniste et progressiste, est incontestablement atemporel. Lyrique et touchant, le film, très « arty », parfois abstrait, hypnotise par moments plus qu’il n’envoûte.
vincy
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