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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Shanghai Belleville
France / 2015
30.12.2015
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LES TRIBULATIONS D’UN CHINOIS SANS CHINE
"Je te jure, tout va bien se passer. "
Pour raconter le quotidien des migrants chinois de Paris, entre débrouille et tragédie, Show-Chun Lee a choisi la forme du conte et de l’élan romanesque qui permettent de tenir à distance les aspects les plus sordides de la réalité. Dans cet état des lieux terrible de l’immigration asiatique française, les êtres qui se croisent représentent ainsi les archétypes des immigrés clandestins en quête d’une place dans la société. Il y a la mère de famille qui se prostitue pour envoyer de l’argent à son fils, le jeune homme isolé qui écume les petits boulots pour survivre, le mari à la recherche de son épouse disparue…
Leurs pérégrinations dans un Paris qui semble un monde parallèle juste à côté de celui que connaissent les Parisiens, et pourtant inaccessible, permettent d’aborder la question de la prostitution forcée, du travail au noir, de la peur de la police, des ateliers clandestins, des dettes énormes envers les passeurs, de la promiscuité forcée et de la reproduction de l’exploitation des nouveaux arrivants par les anciens. Même si cela semble faire beaucoup pour un seul film, avec parfois quelques maladresses scénaristiques, on comprend le désir de la réalisatrice de dresser un tableau assez exhaustif, et malheureusement réaliste, d’une situation qu’elle connaît bien pour l’avoir étudiée durant quinze ans pour sa thèse universitaire d’anthropologie. On apprécie d’ailleurs qu’elle y apporte une certaine légèreté et quelques touches d’humour et de poésie en ayant recours à une narration moins linéaire qu’onirique et à des figures traditionnelles du conte de fées, comme le petit groupe de hackers (maquillés et déguisés) qui donnent une touche magique et bienveillante à l’histoire.
Bien que la question ne soit jamais posée frontalement, les deux communautés semblant coexister sans jamais vraiment se rencontrer, on ne peut s’empêcher de s’interroger sur notre part de responsabilité (en tant que citoyens français) dans la violence physique, morale et symbolique qui est faite à ces hommes et ces femmes qui ont bravé tous les dangers dans l’espoir de trouver un avenir meilleur dans notre pays. Assumant son rôle de parabole, Shanghai Belleville s’achève ainsi sur une sorte de passage de témoin au spectateur, pour qu’il prenne sa part de ces souffrances infligées en son nom, et qu’il commence enfin à regarder autrement les silhouettes sans nom et sans visages des clandestins qui font pourtant partie de son quotidien.
MpM
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