Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Mistress America


USA / 2015

06.01.2016
 



DEUX SŒURS POUR UNE VIE





"Je suis une autodidacte. Tu sais ce que ça veut dire ? J'ai appris ce mot par moi-même !"

Après les fantastiques Frances Ha et While We're Young, Noah Baumbach nous revient plus en forme que jamais avec sa nouvelle pépite de cinéma indépendant, Mistress America, son deuxième film en moins d'un an.

Inscrite en première année de littérature dans une fac de New York, Tracy se sent légèrement seule. Par chance, Brooke, sa future sœur par alliance vit également à New York et veut bien passer du temps avec elle. Dès sa rencontre avec Brooke, le quotidien de Tracy est bouleversé et elle découvre les vraies joies de la vie new-yorkaise.

Fausses sœurs infiltrées

L'idée de base de Mistress America est simple mais efficace. Le réalisateur et co-scénariste Noah Baumbach nous emmène dans son New York où tout le monde vit à 100 à l'heure et où les choses changent rapidement. Tracy nous sert alors de représentant diégétique, de figure à laquelle nous identifier. Face à elle, Brooke a tout de la figure d'opposante, cette femme complètement différente, extravertie et fantasque qui pense à tout et à rien à la fois. D'abord dominante, Brooke se retrouve par la suite complètement dominée et envahie par la bonne volonté de sa sœur en devenir. Au départ différentes, les deux vont finir par se ressembler tant la personnalité de Brooke déteint sur celle de Tracy. Et cela, à leurs risques et périls.

Parce que le titre est mis au singulier, le spectateur se demande alors qui est vraiment cette "Mistress America". S'agit-il de Brooke, ce personnage désirable et atypique déjà présenté comme une reine des abeilles ? Ou serait-ce plutôt Tracy, la jeune écrivaine qui monte sans pouvoir s'arrêter ? Pour le savoir, il faut voir le film jusqu'au bout. Mais l'idée est là. Les deux ont beau entretenir un lien suffisamment fort pour résister aux épreuves, elles ne sont jamais sur un pied d'égalité et à tout moment, le rapport de force peut s'inverser. Et c'est là que réside toute la subtilité du film : montrer que, même en connaissant nos proches, nous ne sommes jamais à l'abri d'une (mauvaise) surprise.

L'art du walk and talk

L'un des aspects de Mistress America qui confère au film toute sa singularité est l'importance et l'abondance des dialogues. Ces derniers sont frais, drôles et carrément piquants. Le film rappelle énormément les répliques pince sans rire de Frances Ha, comédie dramatique sortie en 2013. Dans cette dernière, l'héroïne cherchait également son chemin. Mariée au réalisateur, il n'est alors pas étonnant de retrouver Greta Gerwig qui jouait Frances s'approprier le rôle de Brooke avec une facilité effarante. Actrice et co-scénariste, il est évident que le rôle était fait pour elle.

Bavards, les personnages le sont mais à bon escient. A défaut de faire dans l'économie de verbes et de d'adjectifs, le couple les assène plus vite que son ombre mais avec un niveau d'audace jusque-là rarement atteint. Bref, les répliques et le scénario plus globalement sont une véritable réussite qui rappellent le Woody Allen de la belle époque (années 1970). A côté de cela, la mise en scène minimaliste touche dans le mille. L'espace scénique est pleinement utilisé, les décors donnent envie et sont on ne peut plus réalistes ; et la photo ne démérite pas. Quant à la musique, ce mélange de pop, d'électro et d'indie fait chaud au cœur, donnant à Mistress America une coolitude certaine.

En définitive, Mistress America est une petite pépite qu'il convient de voir de toute urgence. Pas seulement pour ses répliques géniales, pour une mise en scène brillante, mais parce que le film est tout simplement un régal. Et ça réchauffe.
 
wyzman

 
 
 
 

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