Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 28

 
Les chevaliers blancs


Belgique / 2015

20.01.2016
 



ZERO MALGRE LUI





"Même si on n’en sauve qu’un, ça en vaut la peine. "

Devant la caméra de Joachim Lafosse, l’histoire de l’Arche de Zoé, cette association humanitaire qui avait essayé en 2007 d’emmener hors de leur pays des enfants tchadiens supposés orphelins, afin de les faire adopter par des familles françaises, et dont s’inspire Les chevaliers blancs, devient une tragédie humaine d’une grande complexité, qui plonge le spectateur dans un abime de réflexion. Au lieu de jouer sur la corde sensible, le réalisateur s’oblige en effet à une très grande distance par rapport à son sujet, au profit d’un exposé très clair de la situation. Ne portant aucun jugement sur ses personnages, et s’abstenant de tout portrait psychologique ou autre élément narratif qui brouillerait son propos, il dépeint sans fioriture la situation inextricable dans laquelle se déroulent les faits : d’un côté un contexte humanitaire et politique tendu, qui met en danger la vie de milliers de personnes, de l’autre la volonté quasi aveugle de venir en aide aux populations civiles à tout prix.

Froidement, et avec une mise en scène qui mise sur des scènes courtes, concrètes et toujours "utiles" pour étoffer l’intrigue, Joachim Lafosse montre l’illégalité assumée comme la volonté sincère de sauver des enfants en péril, la pression supplémentaire due aux sommes d’argent en jeu et le manque de préparation comme les dilemmes moraux dont tous ont conscience. Très subtilement, et sans délivrer ni réponses ni point de vue moral, il amène le spectateur à comprendre comment toute l’opération était vouée à l’échec, et pourquoi elle se transforme même en véritable catastrophe.

Derrière cette histoire particulière, c’est bien sûr l’ethnocentrisme habituel des Occidentaux qui est mis en cause. Le comportement des membres du groupe est d’ailleurs révélateur des rapports traditionnels entre pays du Nord "développés" et pays du Sud "en développement" où la méconnaissance crasse le dispute à un néocolonialisme bourré de bons sentiments. Face à une situation qui les dépasse, leur réaction (au fond très humaine) est de se focaliser sur l’objectif final (faire le bien) en occultant tout le reste (à savoir les conséquences potentiellement dévastatrices).

Engagez-vous qu'ils disaient

Mais même sur cette question, Joachim Lafosse continue de refuser le manichéisme en restant arcbouté sur les faits, à savoir la situation insoluble dans laquelle se trouvent non seulement les humanitaires sur le terrain, mais tous ceux qui s’intéressent aux drames et conflits armés dans le monde, et qu’on peut résumer par : "il faut sauver les enfants / civils / victimes, mais ce n’est pas possible". Ici, l’émotion se heurte clairement à la réalité, et bien arrogant celui qui est capable de décider jusqu’à quel point il est juste d’agir, ou au contraire de ne rien faire. Au-delà de l’histoire vraie de l’arche de Zoé, c’est bien sûr la question de l’engagement humanitaire en général qui se pose. Quelle marge d’action pour ceux qui agissent ? Et, a contrario, comment supporter, jour après jour, de ne rien faire ?

Impeccable jusqu’à la dernière image, Les chevaliers blancs renvoie tout le monde dos à dos, suggérant que ce n’est surtout pas à de se simples particuliers de porter un tel poids sur leurs épaules, et que si de graves erreurs sont commises, c’est peut-être parce que ceux qui pourraient faire la différence ne s’engagent pas. En attendant, la vague de bonnes intentions se heurte à l’inextricable réalité. C’est peut-être là le constat le plus pessimiste du film, cet immobilisme qui conduit soit à l’indifférence, soit à une émotion si forte qu’elle en devient contre-productive. Et sans doute fallait-il tout le talent d’écriture et de mise en scène de Joachim Lafosse pour éviter absolument, sur un sujet aussi sensible, de condamner ou de cautionner ses personnages, mais au contraire de laisser chaque spectateur se faire sa propre opinion, et dans une certaine mesure, prendre conscience de son indéniable part de responsabilité.
 
MpM

 
 
 
 

haut