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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Danish Girl (The Danish Girl)
/ 2014
20.01.2016
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LILI ANYWAYS
"Vous êtes différente des autres femmes".
Vie d'un couple à l'histoire d'amour remarquable, Danish Girl s'ouvre sur les exercices de style de son cinéaste, Tom Hooper. Il persiste cette magnificence visuelle et classique (Le Discours d'un Roi) avec des paysages grandioses d'une époque révolue le tout illustré par des costumes à faire bander Karl Lagerfeld (s'il le peut encore) et des décors fastueux.
Alors on admire les belles courbes d'Alicia Vikander, le tendre doigté d'Eddie Redmayne qui caresse des collants et cache son sexe honteux (à ses yeux) ou encore la danse féminine et sensuelle d'Amber Heard. Le thème du corps est très présent dans ce film, mais si convenu. Dans Le Discours d'un Roi le réalisateur mettait en lumière la gorge à travers la voix bègue de Colin Firth, représentatif d'un roi blessé. Ici, le corps est le vecteur due chaos et de la souffrance que traverse son héros Einar (Eddie Redmayne, impeccable dans la performance, mais trop technique pour émouvoir) qui face à une robe est semblable au supplice de tantale... Comme le dit Oscar Wilde "la meilleure façon de résister à la tentation c'est d'y céder", il le fera en se transformant en Lili, mais à quel prix?
Si tout le monde voit Danish Girl comme un film sur le transgenre il n'en est rien... Car dans ce cas, il aurait fallu autre chose que ce scénario déjà vu, cette approche stylistique si consensuelle, ce message fédérateur où le courage l'emporte sur le risque, le désir sur le questionnement, la passion sur la nature. Voulu ou non, le réalisateur montre surtout une personnalité forte, soit Gerda (Alicia Vikander, qui vole la vedette au film, au point d'en faire un semblant de film féministe. Gerda a tout d'une femme révolutionnaire. C'est elle qui fait la cout à son mari ("quand je l'ai rencontrée, elle m'a fait des avances"), elle qui peint des hommes gênés par sa prestance de femme, encore elle qui accompagne son mari dans son envie de se déguiser en femme (au point de le sublimer ainsi dans ses tableaux), toujours elle qui va le suivre jusqu'au bout, dans son changement de sexe, au détriment de sa propre vie. Cette femme n'est pas une créature frêle qui ne pense qu'à sortir et à se maquiller. Au contraire, le personnage de Gerda est la force dans son couple avec Einar, l'aimant qui maintient leur amour malgré la différence.
C'est là le sujet central du film: l'amour a-t-il un genre? dans le sirop à l'eau de rose qui nous ensuque un peu trop les rétines, la réponse n'est pas évidente. Davantage fasciné par l'exploit de filmer le biopic du premier transsexuel de l'histoire, comme il mettait en place la mécanique d'un Roi qui surmontait ses pires complexes pour exister, Tom Hooper enrobe trop les questions essentielles et les douleurs qu'elles impliquent. Tout ici est charmant alors qu'on se doute de la souffrance et de la violence qu'impliquent de telles tragédies dans la société des années 1930. Des images en papier glacé pour embellir une réalité qui aurait donné un film bien plus inspiré. Car ce qu'il manque ce sont bien les aspérités de cette vie de bohème qui va s'achever sur une opération chirurgicale pionnière mais fatale.
Danish Girl nous montre un amour porté avec vigueur et fougue par Gerda. Cette femme courage reste aux côtés d'un homme qui ne la touche plus, n'envisage plus d'enfant avec elle et qui en plus lui pique ses fringues. Elle résiste, persiste et accepte. Ainsi elle fait l'amour à son mari vêtu de ses sous-vêtements tout en gardant son calme, sa sensualité et sa sérénité parfaitement reflété par le doux visage d'Alicia Vikander. En pleine souffrance et à bout de forces, elle continue à être debout, à refuser les avances des autres hommes et à accepter l'impossible car après tout c'est ça le véritable amour. C'est finalement là tout le problème du film: on héroïse Einar/Lili, et on ne retient que Gerda, et sa voix qui se brise quand elle prend conscience qu'elle s'abime. La voilà seule, debout, face à son mari/épouse. Las, Eddie Redmayne qu'on espérait voir briller de mille feux dans un tel (beau) rôle, joue l'exagération: clignements des yeux à répétition et mimiques ridicules à la limite du gênant pour les vrais transsexuels (on s'excuse au sein de la communauté transgenre).
Pas sûr qu'un tel sujet méritait un traitement aussi académique. Tellement prudent qu'il ne choquera personne. Nul scandale ici, juste une romance impossible et très bien illustrée.
Reste l'éloge de la différence et de la liberté. Mais on regrette que le thème de la différence soit si lissé par des ambitions cinématographiques réduite à un formatage pour séduire un public ciblé et les votants aux Oscars.
Cynthia
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