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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Made in France
France / 2015
29.01.2016 (VàD)
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IL FAUT SAUVER LE SOLDAT SAM
"On est en guerre, certains doivent mourir."
Déjà auteur de Cortex et des i>, Nicolas Boukhrief nous revient en ce début d'année avec un film glaçant et poignant. Made in France ou l'histoire d'une jeunesse qui ne sait plus qui sont ses ennemis.
Fiction et confusion
Sam, journaliste indépendant, profite de sa culture musulmane pour infiltrer les milieux intégristes de la banlieue parisienne. Il se rapproche d'un groupe de quatre jeunes qui ont reçu pour mission de créer une cellule djihadiste et semer le chaos au cœur de Paris.
Jusque-là, le scénario de Made in France n'inquiète pas. Simple mais tangible, celui-ci se déroule tranquillement, comme on peut s'y attendre, comme on peut le redouter. Le programme est tel qu'on l'imagine : blagues entre copains, pressions psychologiques et physiques, violence abominable. Quant au dénouement, il est forcément un peu romancé (on est devant un film après tout) mais prend aux tripes et laisse un goût amer. Est-ce une fin heureuse ? Est-ce cela que "fin heureuse" veut désormais dire ?
A cause des attaques terroristes qui ont touché la France en 2015, Made in France ne se voit pas comme un thriller et un film dramatique mais directement comme un film sur l'actualité. Et c'est là tout le problème. Pour ne pas être assimilé aux attentats, la production a dû placer un carton "Ce film a été tourné avant les attentats de janvier 2015". C'est une erreur. Made in France est une œuvre de fiction et ne devrait pas se cacher d'être suffisamment réaliste pour prêter à confusion. N'est-ce pas à cela que l'on reconnaît les bons films ? Aux Etats-Unis, combien de faits d'actualité ont déjà inspiré producteurs et scénaristes sans que cela ne pose problème ?
Perte de repères
Né d'un père algérien et d'une père française, le réalisateur de Made in France, Nicolas Boukhrief se dit lui-même concerné par l'intégration des "enfants de cité" dans la société française. Voilà sans doute pourquoi, sur certains points, le personnage principal, Sam, lui ressemble autant. En figure de jeune apprenti, Sam découvre les dérives initiés par certains extrémistes tandis que le réalisateur dresse un portrait sans fard d'une jeunesse qui semble de plus en plus perdue. Certains diront que les quatre jeunes protagonistes sont caricaturaux, d'autres estimeront que Nicolas Boukhrief n'est pas allé au bout des choses. A mon avis, il a trouvé le juste milieu. Montrer comment certains pouvaient être corrompus et détournés du droit chemin.
Sans jamais juger ses personnages, le réalisateur met en scène une histoire de mecs, des amis, des frères, des fils de. Des garçons qui tentent de grandir, qui veulent être des hommes, qui souhaitent faire quelque chose de leur vie. Bien évidemment, on trouve facilement plus utile que transporteur de bombes, mais l'idée est là. Et l'ennemi aussi. Il ne s'appelle pas Daesh. Ce n'est pas vraiment Al-Qaïda. Mais il appelle à prendre les armes pour de mauvaises raisons.
Pendant 94 minutes, c'est à une plongée étouffante au cœur du djihadisme parisien auquel le spectateur assiste, complètement médusé. Grâce à un narrateur-personnage principal pragmatique et symbolique, Made in France est l'un des immanquables de ce début d'année. On regrettera simplement qu'il ne sorte pas en salles et soit uniquement visible en VàD à partir du 29 janvier.
wyzman
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