Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Mysterious object at noon (Dokfa nai meuman)


/ 2000

27.01.2016
 



PREMIERS PAS

Le livre Bye Bye Bahia



Il y a quelque chose de l’ordre du trouble à découvrir le premier long métrage d’Apichatpong Weerasethakul, achevé en 2000 et cantonné depuis aux cercles très fermés des festivals et autres rétrospectives. Comme si cette première œuvre allait nous livrer un morceau fondamental du puzzle qu’est aux yeux de beaucoup ce cinéaste thaïlandais passé en une décennie du statut d’artiste expérimental underground à celui de réalisateur palmé et reconnu. Et c’est vrai que Mysterious object at noon semble livrer non pas des clefs, mais une nouvelle facette de la personnalité artistiquement si complexe de "Joe" (tel qu’il se surnomme lui-même).

On y retrouve notamment les prémices d’une narration déliée et d’un récit déconstruit, le mélange des genres et la prégnance des légendes traditionnelles, ainsi qu’un regard singulier porté sur tout ce qu’il filme. Le concept du film (sillonner la campagne thaïlandaise et demander aux personnes rencontrées d’imaginer différentes péripéties au conte de départ, le tout sur le principe du cadavre exquis) favorise bien sûr cette déambulation matinée de rêveries et de digressions qui annonce déjà Blissfully yours (son film suivant, présenté à Cannes, et resté notamment célèbre pour l’apparition plus que tardive du générique), Oncle Bonme (palme d’or en 2010 et Cemetery of splendour (sorti en 2015).

Comme on en a désormais l’habitude avec le cinéaste, on se laisse donc porter par cette histoire au fil ténu, tantôt mise en images par le cinéaste, tantôt simplement racontée par un villageois, ou encore à travers des cartons dignes du cinéma muet et même interprétée par une troupe de théâtre. Chacun apporte sa pierre (et son inconscient) à l’édifice : double maléfique, garçon mystérieux, tigre sorcier et même extraterrestres. La réalité de la Thaïlande (difficultés économiques et contexte électoral) est elle-aussi bien présente dans les séquences les plus clairement "documentaires". Petit à petit se dessine ainsi un objet forcément mystérieux, assez hypnotisant, qui éclaire rétrospectivement les rapports qu’entretient Apichatpong Weerasethakul avec le cinéma, et surtout la confiance absolue qu’il place dans le médium lui-même. On assiste à la magie de la fiction en train de "prendre" (comme on le dirait d’une mayonnaise), à la force des images et surtout au pouvoir absolu du conte qui fait naître des personnages, des lieux et des émotions par le simple fait de les évoquer. La puissance d’évocation de la parole, alliée à celle de l’image en mouvement, devient devant la caméra d’Apichatpong Weerasethakul un motif d’admiration et de bouleversement. On sent la fascination qu’exerce pour le réalisateur cette création en marche, collective, et qui semble s’émanciper de lui.

"Je pense que le film témoigne de ma confiance dans le cinéma, de la façon dont je le laisse me guider vers différentes formes", déclare-t-il d’ailleurs aujourd’hui. "Mais j’ai appris en faisant ce film, et depuis, qu’il ne faut pas avoir une confiance aveugle en le cinéma, mais qu’il faut apprendre à le guider." Un aveu, associé à la (re)découverte du film, qui apporte un nouvel éclairage au parcours du cinéaste. Il ne perd pourtant rien de sa part de mystère, mais on a compris depuis longtemps que celui-ci est inhérent à son cinéma et au plaisir que l’on y prend.
 
MpM

 
 
 
 

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