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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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45 ans (45 Years)
Royaume Uni / 2015
27.01.2016
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GHOST LOVER
"Ils ont retrouvé Katya."
Après avoir observé dans Week-end les prémisses d’une histoire d’amour, Andrew Haigh prend le contre-pied avec 45 ans où il dresse le portrait d’un couple qui fête son 45e anniversaire de mariage, et dont la belle harmonie est soudainement troublée lorsque Geoff, le mari, apprend que le corps de sa fiancée décédée en montagne un demi-siècle plus tôt a été retrouvé. Dès lors, ce fantôme venu du passé se met entre Geoff et Kate, et crée une fissure que rien ne pourra combler. Glacé, le spectateur assiste au délitement du couple qui finit par tomber en miettes devant ses yeux.
Sans éclats, avec une narration au contraire très ancrée dans le quotidien, et une sécheresse de mise en scène qui interdit tout mélodrame, le cinéaste met à plat le couple formé par Geoff et Kate. Il montre les faux-semblants, la méconnaissance que chacun a de l’autre et la fragilité d’un édifice amoureux construit à la fois sur des non-dits et sur un deuil jamais cicatrisé. Il décortique également la manière, extrêmement différente, dont les deux époux réagissent à la réapparition de l’ancienne fiancée.
Pour lui, c’est la résurrection de sentiments enfouis et l’occasion de se retourner sur son passé, avec les regrets que cela implique. Geoff se laisse aller à la rêverie sans fin sur ce qui aurait pu être, si sa bien-aimée avait survécu. Il est dans la nostalgie et le chagrin, vivant a posteriori un deuil qui lui avait été jusque-là impossible. Pour Kate, c’est comme revoir toute sa vie à l’aune de cette révélation qui remet tout en perspective. La vie qu’elle a vécu auprès de Goeff était-elle réelle ? L’amour qu’elle croyait avoir partagé avec lui existait-il vraiment ?
Tout se trouve ainsi entaché par le fantôme du passé, même les meilleurs moments, et surtout les grands choix de vie. Cela donne à Kate, le vrai personnage blessé du film, d’innombrables motifs de doutes et de questions sur ce qui a guidé son mari, et par ricochet, leur existence commune, durant toutes ces années. A-t-il partagé sa vie, ou celle d’un absente que Kate ne faisait qu'imiter ? Le scénario mise presque uniquement sur les détails et la suggestion, laissant au spectateur le soin de faire le lien entre les éléments. Et notamment cette absence d’enfants et de photos que mentionnent en passant les protagonistes au début du film, et qui s’avère peu à peu une absence suspecte de traces concrètes de leur vie à deux.
La très grande force d’Andrew Haigh est de construire son récit comme un film du quotidien qui serait lentement contaminé par une enquête délétère et irrépressible. Il se noue alors à l’écran un drame inextricable dont on ne comprend les implications complètes qu’au fur et à mesure. Il faudra d’ailleurs la séquence finale pour qu’on prenne véritablement la mesure des conséquences. L’évolution des personnages est en effet si ténue et progressive qu’il faudra ce plan terrible (mais qu’on ne racontera pas) pour comprendre l’aspect définitif de ce qui s’est joué entre les deux époux. Sous ses dehors lents et épurés, presque monotones, 45 ans se révèle ainsi une bombe à retardements des sentiments, un thriller choc qui ne dit pas son nom et laisse à l’écran des victimes exsangues et ravagées, sans avoir eu besoin de verser la moindre goutte de sang. MpM
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