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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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REPOS ETERNEL
"Etre humain, ce n’est pas naître. C'est l’enterrement. "
Autant se l’avouer tout de suite, Aurora n’est pas un film aimable. Pas facile en effet de s’attacher aux pas de cette institutrice quarantenaire en mal d’enfants qui se met soudain en tête d’adopter un bébé mort pour lui offrir une sépulture. Le personnage ne serait pas inspiré d’une personne bien réelle, on la trouverait même très largement improbable. Et elle est de toute façon assez foncièrement antipathique.
Alors, Rodriguo Sepulveda a beau mettre beaucoup de distance et de retenue dans son récit, il met le spectateur éminemment mal à l’aise. Ou peut-être est-ce justement à cause de cette absence d’empathie qui se transforme rapidement en absence de point de vue. Bien sûr, il ne s’agissait pas d’expliquer ou d’excuser le comportement de Sofia, mais au moins de faire d’elle un portrait sensible et bienveillant qui laisse affleurer ses zones d’ombre comme son humanité.
Or les efforts du réalisateur pour éviter mélodrame et voyeurisme finissent par trahir une certaine lâcheté. Mettant sur un pied d’égalité sa douleur, ses convictions douteuses et la force irrépressible qui la force à agir, il refuse de s’impliquer et prive de fait son personnage de profondeur. On sent comme souvent dans un certain cinéma sud-américain une volonté d’être singulier et de choquer, quitte à prendre le contrepied absolu du sens commun. On aurait ainsi tendance à penser qu’il vaut mieux adopter un enfant vivant que mort, et le film s’échine à nous prouver le contraire. C’est d’autant plus regrettable qu’il y avait quelque chose à faire de cette Antigone des temps modernes et de son combat pour donner une sépulture à un bébé inconnu. Sauf qu’Antigone agissait par idéal et par principe là où les motivations de l’héroïne d’Aurora sont plus opaques, entre thérapie personnelle et acte d’amour inconditionnel. On aimerait être bouleversé par tant de douleur et d’abnégation, mais on n’a juste pas envie de la suivre sur ce terrain-là.
MpM
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