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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Room
USA / 2015
09.03.2016
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INTERIEURS
«- Pourquoi les aliens répondent pas ? »
Lenny Abrahamson, Brie Larson et Jacob Tremblay sont indissociables de la réussite de Room, drame en deux temps qui agit comme un étranglement avant de nous laisser suffoquer puis respirer.
Premier acte : nous sommes enfermés dans une pièce où chiottes, lit, cuisine, aire de jeux se côtoient dans une surface ridiculement petite. Un velux sert de puits de lumière. Nous n’avons aucune vue du monde extérieur. Une jeune mère et son fils sont séquestrés là depuis des années. On comprend vite que le gamin est la progéniture du monstre qui abuse de la jeune femme et la nourrit comme on alimente un oiseau en cage. La piaule est insalubre. Le gamin, avec ses cheveux longs, a des airs de petite fille. Il faut passer le temps, répétitif, développer l’imaginaire, faire croire que derrière les quatre murs il n’y a rien. Comme le Comte de Monte-Cristo, il n’y a pas de place pour une autre réalité que celle de cette prison sordide, que celle de cette peine injuste et subie.
Le réalisateur nous familiarise vite avec cette ambiance claustrophobe grâce à des gros plans qui élargissent la moindre parcelle de cette pièce. Les deux comédiens, entre souffrance physique et symbiose psychologique, remplissent l’espace. Malgré l’aspect glauque et l’épuisement de la mère, une bonne mère imparfaite, ils insufflent une forme de grâce. Room est raconté du point de vue de l’enfant, qui fête ses cinq ans d’existence sans rien connaître de la vie. La caméra oblique, vacille, elle distord le lieu et zoome sur des détails précis. Grâce à un scénario qui ne perd pas de temps, deux comédiens intenses, entre scènes ludiques et séquences dramatiques, Room parvient même à nous captiver au sens propre. A cela s’ajoute les tentatives d’évasion, amenées progressivement, nécessitant la complicité d’une relation fusionnelle entre cette femme kidnappée il y a sept ans et sa progéniture issue d’un acte abominable.
Symétrie parfaite
L’ogre, on le voit peu. Cet être égoïste, ce salaud, ne sera jamais sauvé par l’histoire. Même pas besoin de le juger. Il en disparaîtra comme il est apparu : par la petite porte. Il se croyait tout puissant, c’était sans compter l’ingéniosité d’une mère prête à tout pour sauver son enfant. A la moitié du film, nous voilà donc dehors. Enfin. Le montage de cette séquence de quelques minutes nous coupe le souffle : le suspens est maîtrisé de bout en bout, et on retient sa respiration pour que l’issue ne soit pas fatale. On est proprement tétanisés durant quelques secondes, la tension étant au maximum. Parallèlement, on ressent l’émerveillement d’un petit garçon qui voit ses premiers fils électriques, d’autres hommes et même un chien. La délivrance ou la sentence sont au bout de la rue, au panneau de signalisation indiquant le stop.
A la moitié de son trajet, Room va alors changer de parcours. Le film bifurque vers l’après trauma. La réinsertion dans le réel. La difficulté de vivre la vie d’avant ou d’apprendre la vie de maintenant. D’une prison à l’autre. Tout est fragile. Tous sont à cran. On devine les plaies de chacun, sans que cela soit appuyé. C’est éminemment sensible. Les douleurs, rancœurs sont filmées en creux, non dites ou juste traduites par un geste, un regard, un mot. De quoi nous émouvoir jusqu’au bout, nous laisser avec nos questions, nous hanter aussi. Comme un cauchemar dont il est difficile de se débarrasser. Ce n’est pas le moindre exploit du film que de nous avoir fait ressentir, discrètement, chacun des battements du cœur de ses deux héros ordinaires qui cherchent à survivre au milieu de l’enfer.
vincy
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