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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Eva ne dort pas (Eva no duerme)
/ 2016
06.04.2016
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CECI EST SON CORPS
C’est dans une séquence d’ouverture envoûtante et stylisée que Pablo Agüero grave le manifeste de son nouveau film, une œuvre monumentale et minimaliste, si travaillée qu’elle en devient presque maniérée, si symbolique qu’elle en est forcément oppressante. Mais drôle, également, car tout entière teintée par le cynisme froid et l’humour noir d’un scénario qui n’oublie jamais le potentiel romanesque de son sujet.
Alternant images d’archives et scènes de fiction inspirées de faits réels, le réalisateur argentin (à qui l’on doit le sublime Salamandra à la fin des années 2000) raconte ainsi l’histoire de son pays à travers le destin du corps embaumé d’Evita et de ce qu’il représente pour les Argentins au fil des années. En trois volets (l’embaumeur et ses gestes tendres, le transporteur et sa haine terrible, le dictateur et son impuissance risible), il suit les tribulations du corps devenu sacré d’Evita et montre avec finesse comment ce malheureux cadavre a symboliquement cristallisé bien malgré lui les haines et les espoirs de tout un pays, perpétuellement reconvoqué par un peuple en mal d’avenir et craint par des dictateurs incertains de leur pouvoir.
Il y a dans cette fable terrible une puissance d’évocation plus sensorielle qu’objective, et qui tient principalement à la maîtrise formelle d’Agüero et à son extrême rigueur scénaristique, confinant parfois à une ascèse presque intimidante. Pour ne pas se laisser submerger par son exigence, il faut indéniablement s’abandonner à cette œuvre intense et perpétuellement sur le fil qui oscille entre aridité et outrance, comme pour mieux traduire les réalités complexes de son sujet. Peut-être certains passages du récit sont-ils un peu figés, ou plus poussifs, mais cela ne compte gère quand Eva ne dort pas convoque à lui-seul, par son audace, sa densité émotionnelle et la seule force du cinéma, tous les grands fantômes de l’Histoire contemporaine.
MpM
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