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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Truth: le prix de la vérité (Truth)
USA / 2015
06.04.2016
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TRUST
«- Je déteste les tyrans.»
Quand Hollywood s’empare d’un scandale révélé par les médias cela donne Les Hommes du Président ou l’excellent Spotlight. Il faut croire que la presse écrite inspire davantage les cinéastes que les médias audiovisuels. Oh il y a de jolis exemples sur la manière dont un programme est conçu comme Network, Quiz Show, Meurtres en direct, Scoop, Le syndrome chinois, etc… Truth est typiquement dans la veine de ces films. Un casting classe, un sujet intense, un scénario bien ficelé, mais l’ensemble est limité par une mise en scène qui manque d’ambitions et se contente de mettre en image une histoire vraie (mais forcément un peu faussée) et qui aurait pu être plus palpitante.
A ce titre saluons le jeu de Cate Blanchett qui amène tout le relief à un récit assez convenu. Avec son charisme et ses nuances, elle parvient même à donner à son personnage un jolie dimension humaine, loin des stéréotypes du genre. Par ailleurs, ce sont les relations humaines qui passionnent, davantage que l’enquête et ses conséquences. Au sommet de leur carrière, une troupe de professionnels vont commettre une erreur fatale qui va entacher leur réputation, à jamais. Le scandale n’est finalement pas celui que révèle l’équipe du magazine 60 minutes mais bien le fait que des journalistes n’aient pas assez de preuves authentifiées pour prouver qu’ils ont raison.
Sous la pression d’un calendrier serré, la précipitation de la diffusion va ouvrir la boite de pandore et ébranler CBS. Dans cette guerre de tranchées, au milieu d’une spirale infernale, quand les petites phrases assassines sont dites, quand les victimes se ramassent à la pelle, on ne retient que les guéguerres, au lieu de se concentrer sur les faits : George W. Bush, président en exercice bataillant pour être réélu, a –t-il menti sur ses exploits militaires ? Dès lors que le film se fiche de répondre à cette question pendant une bonne partie de son temps, la forme va supplanter le fond, imitant ainsi le reproche que font les journalistes visés à l'égard de leurs confrères prêts à les fusiller. La critique des médias, du système politico-médiatique aussi, sans être très neuve, va jouer le moteur de ce drame, bien plus que la vérification des faits pour disculper les journalistes a priori fautifs. Il faudra attendre un monologue argumenté à la fin pour être en partie convaincu que CBS a eu tort de se déresponsabiliser et ne pas soutenir ses équipes face à cette tempête.
Ainsi Truth fait la même erreur que CBS. En s’attachant plus au scandale qu’à l’enquête, aux réactions et à la déflagration causée par une source manipulée, le film oublie les raisons du problème : la vérité n’est pas toujours bonne à dire, encore faut il que la vérité soit certaine. Or, ici, la vérité est un outil narratif qui sert de suspens. On l’utilise pour rendre la fin incertaine plutôt que de faire un procès équitable entre ceux qui doutent et ceux qui refusent de douter.
Bien sûr, pour cela il aurait fallu un autre point de vue que celui du témoignage de la principale incriminée, la productrice, incarnée par Blanchett. Subjectif mais se voulant objectif, le film tresse des lauriers de professionnalisme à cette productrice très compétente. Mais c’est aussi là que Truth s’empêche d’avoir son propre point de vue. En refusant de s’affranchir du livre – témoignage dont il est l’adaptation, il ne réussit pas à transcender son sujet. C’est la différence entre un Spotlight qui met la lumière sur le travail d’investigation et ce film honnête, qui starise les investigateurs.
vincy
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