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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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A Bigger Splash
Italie / 2015
06.04.2016
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DEAD POOL
«- Quelle est ta quête ?
- Ne pas finir comme Julie Andrews !»
Luca Guadagnino nous refait La piscine. Sur une île perdue entre Sicile et Tunisie, il place son quatuor dans un mélodrame « plein soleil » où passé et présent s’entremêlent pour mieux faire ressortir les petites mensonges et grandes trahisons de chacun. Malgré ce soleil de plomb, le film est bien évidemment noir.
La qualité essentielle du film, faux polar et vraie tragédie, tient aux acteurs. Sublimée, Tilda Swinton a beau avoir perdu sa voix et se complaire dans un rôle de star fatiguée, sorte de Bowie au féminin qu’elle incarne parfaitement, forcément, l’actrice déploie talent et beauté pour s’imposer sans effort. Ralph Fiennes a un rôle plus délicat - envahissant, extravagant, insupportable - et s’en sort avec les honneurs. Matthias Schoenaerts, plus ambivalent, et Dakota Johnson en Lolita, ne déméritent pas.
Les liens et les rancoeurs, les liaisons et les battements de cœur font le reste. Parfois subtilement, avec une certaine once de mystère et même quelques énigmes non résolues. On ne saura jamais vraiment tout, c’est louable. L’enquête policière, suite au meurtre « accidentel » ne cherchera pas à aller plus loin que l’alibi mensonger énoncé. Ce n’est pas pour ça que certains ne sortent pas abimés de l’épreuve. Mais à l’instar de ces premiers plans où Swinton et Schoenaerts sont tels Adam et Eve dans leur Eden, le couple paraît invulnérable aux coups du sort.
Alors qu’est-ce qui cloche ? La longueur et même la pesanteur du film. La mise en scène est comme frappée par une insolation et éternise certaines séquences inutiles. A vouloir absolument créer des atmosphères, jouer les impressionnistes, le cinéaste a oublié de tendre son récit, de le muscler au besoin. Ce relâchement à certains moments nous assomme. Les flash-backs sur le passé de la diva du rock n’aident pas, alourdissant la narration, et la rendant presque trop didactique.
Dérapages
A Bigger Splash passe ensuite à côté de son sujet, pourtant doté de savoureux ingrédients comme la cruauté et le cynisme. A trop se fourvoyer dans le sentimentalisme et la culpabilité, les reproches et les regrets, il contourne les défauts de ses personnages, les rendant presque tous aimables ou au pire pitoyables. Alors que, franchement, une chanteuse égocentrique, son mari pas franchement net, son ex narcissique et la fille de celui-ci un peu mytho, il y avait de quoi tirer de cette comédie humaine une brillante attaque au vitriol à la Chabrol.
Malheureusement, ce sont les immigrés clandestins qui serviront de faire-valoir et de boucs émissaires, renvoyant chacun dans son paradis, loin des affres des misérables humains. Mais, ces réfugiés sont traités comme des parasites par le cinéaste. Alors que le sujet des migrants est au cœur de nos débats politiques, Luca Guadagnino les rend accessoires. Vagues figurants, ils n’ont jamais vraiment leur place dans le récit, sauf quand cela permet de résoudre l’enquête et finalement de déculpabiliser son groupe de leurs agapes saignantes et leur arrogance si impolie.
Car, finalement le réalisateur hésite continuellement entre un film érotique et une fresque morale, un polar et une histoire de mœurs, une tragédie rock et une partie de poker menteur. A ne pas choisir, il opte pour une mise en scène maniérée qui étouffe les drames. Il faudra le cri de Tilda pour nous réveiller et enfin ressentir une émotion. Comme elle le conclut si bien, « C’est finit. N’en fais pas un drame ». Et justement, c’est dans la légèreté que A Bigger Splash est le plus convaincant. Il aurait peut-être fallu en faire une comédie. Féroce.
vincy
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