Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Free to run


/ 2016

13.04.2016
 



BASKETS DIARIES





Il y a les coureurs du dimanche, il y a des copines qui vont courir autour d’un lac, il y a plein de gens se retrouvent chaque mercredi soir à Paris pour courir ensemble une douzaine de kilomètres, il y a 50 000 personnes qui se sont inscrites pour courir le marathon de New-York… Le running est une des activités sportives la plus simple à pratiquer : une paire de chaussures et un short, et c’est parti pour courir où on veut quand on veut. Pourtant, c’était bien plus compliqué il y a quelques dizaines d’années…

Free to run raconte le développement de cette activité avec différents amateurs qui ont su faire de leur passion un sport populaire pour tous. Le documentaire a cette qualité de ne surtout pas s’adresser qu’aux sportifs : il raconte une histoire avec des luttes d’influence, du féminisme, de l’économie, des destins incroyables… ‘Liberté, égalité, course à pied’ : avec des interventions de différentes personnalités et aussi des images d’archives à travers les époques, le réalisateur Pierre Morath (d’ailleurs aussi ex-sportif de haut niveau) nous raconte différents combats pour réglementer ce sport autrement et le démocratiser au mieux. Depuis les années 60 jusqu’à aujourd’hui Free to run raconte avec un panorama aussi instructif que divertissant comment le jogging est devenu athlétisme…

Le film remonte à l’époque où la course à pied était surtout une pratique sportive universitaire dans des stades ; déjà certains idéalistes ont commencé à courir ailleurs dans la ville même si ce n’était pas convenable. La course était un sport sur piste et structuré par des fédérations, aux Etats-Unis les coureurs ne gagnaient aucun dollar, c’est le populaire Steve Prefontaine qui a fait valoir que les efforts d’entrainement et les victoires méritaient de gagner un peu d’argent. Le sujet est en fait toujours d’actualité par exemple pour le marathon de Paris : le chèque promis à l’athlète vainqueur de l’épreuve est faible (comparé à d’autres sports et à la forte rentabilité de l'évènement pour l’organisateur)… Aller courir ailleurs, sur des routes ou en forêt, était une façon d’échapper à des règles strictes voir même d’organiser autrement des courses. En France en 1972 par exemple, la Fédération Française d’Athlétisme a voulu faire interdire des courses ouvertes à des amateurs non-licenciés hors de la fédération, alors qu'aujourd’hui il paraît qu'environ 9 millions de Français font occasionnellement un peu de course à pied dans les parcs, en ville ou dans des salles de gym.

L'inégalité hommes/femmes

Aussi incroyable que ça puisse paraître, les femmes étaient à peine autorisées à courir 800 mètres en compétition, car la course à pied n’était simplement pas un sport pour elles (trop éprouvant d'après des médecins). L’épreuve phare du marathon (42 kilomètres) fût d’ailleurs que très tardivement ouverte aux femmes aux Jeux Olympiques de 1984… On apprendra que en 1966 Bobbi Gibb fut la première à terminer le marathon de Boston mais de manière clandestine. L’année suivante, cette fois bien inscrite, Kathrine Switzer est la première femme à courir officiellement cette course (avec ses initiales K. V. Switzer qui n’indiquait pas son sexe) laissant ainsi l’image célèbre du directeur du marathon de Boston qui essaye de lui arracher son dossard en pleine course pour l’exclure… Ailleurs en Europe, en Suisse avec son journal des passionnés de course à pied ‘Spiridon’ Noël Tamini est un fervent défenseur d’une ouverture plus populaire de ce sport (pas que dans les stades, aussi pour les femmes) : son magazine fera beaucoup progresser les mentalités.

Le running devient un sport de plus en plus pratiqué par beaucoup d’amateurs, et beaucoup de sportifs font preuve d’un très bon niveau. Il y a eu le marathon olympique de 1972 avec une médaille d’or pour Franck Shorter, son style de course va contribuer à modifier l’image dangereuse de cette épreuve de 42 kilomètres en un défi difficile mais accessible par d’autres. Fred Lebow sera le promoteur et l’organisateur d’un marathon en plein centre-ville dans New-York avec une course qui traverse les quartiers les plus emblématiques (les five boroughs) : une centaine de participants lors de la première édition dont la moitié passent la ligne d’arrivée (cette année 50 000 dossards disponibles pour 200 000 demandes). Depuis le marathon de New-York s’est imposé le rêve de n’importe quel coureur dans le monde, et c’est devenu en même temps une entreprise très lucrative.

Spectre large

Le film aborde de manière succincte aussi le thème économique du running: la forte expansion du nombre d’amateurs de ce sport représente bien évidement un marché à la fois pour les organisateurs de course et pour les marques d’équipements sportifs (chaussures, vêtements, montres, nutrition…). Autrefois officiellement interdites de courses, aujourd’hui ce sont d’ailleurs de plus en plus les femmes qui représentent la cible à séduire pour les entreprises liées à ce sport. On ne compte plus les entreprises (marque de sport tout comme divers médias) qui associent leurs noms à une course...

Free to run amène le constat que l’idéal de populariser le running (pour n’importe qui, n’importe quand, et n’importe où) s’est effectivement réalisé avec l’influence de divers pionnier(e)s et cela de manière progressive, et un tel engouement pour ce sport a été suivi aussi d’une récupération commerciale. Le récit fait la navette entre l’Europe et les Etats-Unis tout en racontant plusieurs histoires à la fois, et les performances sportives ne font pas oublier le désir premier de simplement prendre du plaisir à courir dehors pour soi ou avec d’autres.
 
Kristofy

 
 
 
 

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