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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Marie et les naufragés
France / 2016
13.04.2016
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DEUX RENCONTRES, TROIS AMITIÉS
"Est-ce que tu serais d’accord pour qu’on essaye de passer le reste de notre vie ensemble ?"
Quel bonheur de retrouver la liberté de ton de Sébastien Betbeder, l’un des auteurs français les plus audacieux de sa génération, à qui l’on doit déjà notamment les troublantes Nuits avec Théodore et le si singulier Deux automnes, trois hivers ! Avec Marie et les naufragés, il poursuit dans cette veine très déliée qui lui permet de jouer avec les codes du cinéma tout en s’affranchissant d’une certaine pesanteur scénaristique. S’appropriant à nouveau un procédé plutôt littéraire, il traite ses personnages comme des narrateurs de leur propre histoire, en gardant le procédé de l’adresse à la caméra et de la voix-off. On suit ainsi tour à tour Siméon (Pierre Rochefort, très joliment sur le fil en trentenaire paumé), Antoine (un Eric Cantona très touchant) et Marie (Vimala Pons, qui a exactement ce qu’il faut de rêverie lunaire pour être immédiatement raccord avec l’univers de Betbeder), trois personnages qui ont en commun une certaine manière de rêver leur vie.
Ce que raconte Marie et les naufragés, c’est en effet la manière dont le romanesque s’insinue peu à peu dans l’existence (pourtant terre à terre) de ses héros, et le besoin qu’ils ont de cette contamination contagieuse. Ils s’imaginent tour à tour en détective privé, en grands romantiques, en aventuriers ou tout simplement en héros de films ou de romans prêts à tout lâcher pour le frisson de l’inconnu. Les plus petites choses, vécues sous cet angle romanesque, transforment totalement le ton du récit qui oscille entre comédie romantique burlesque, buddy movie décalé et mise en abîme maligne.
Tout en maîtrisant parfaitement son récit, Sébastien Betbeder s’autorise digressions et chemins de traverse, n’hésitant pas à faire exister un personnage juste le temps d’une scène (à l'image de la très jolie séquence d’ouverture ou du flashback autour du passé de Marie) ou prenant le temps de donner de la profondeur à ceux qui sont d’habitude de simples stéréotypes, comme le bon copain ou le "gourou". Le film est non seulement intelligent et drôle, bourré de dialogues irrésistibles et de situations cocasses, mais il propose aussi un savoureux portrait générationnel, non pas dans l’optique d’une sociologie un peu docte, mais plutôt avec l’acuité d’un conteur invétéré qui s’inspire de ce qu’il connaît et observe pour donner chair et cœur à ses personnages. Exactement comme le suggère la réplique finale, le spectateur ne veut pas quitter ces "naufragés" de la vie, impatient de connaître la suite de leurs aventures peut-être minuscules, mais magnifiées par la simple magie d’un récit qui rend le quotidien tellement plus réjouissant. Ce qui est la parfaite métaphore du cinéma. MpM
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