Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Les Malheurs de Sophie


France / 2016

20.04.2016
 



MISS CATASTROPHE





« Il ne faut pas me désobéir. Je crois que tu as les deux pattes cassées. Que ça te serve de leçon. »

On craint toujours quand les classiques de la littérature, notamment jeunesse, sont adaptés sur grand écran. Généralement cela donne des œuvres cinématographiques au mieux sympathiques, au pire un peu niaises. Mais, d’une part, Les malheurs de Sophie n’est pas un livre comme les autres : son héroïne n’a rien de gentillet. D’autre part, Christophe Honoré fait ici sa première incursion dans un cinéma familial, et, heureusement, il n’a pas perdu son style en route. Pour notre plus grand bonheur, ces Malheurs sont même réjouissants.

La musique d’Alex Beaupain envoûte avec ses élans romantiques et ses mélopées nuancées. La caméra rejette toute forme de plans académiques et s’attachent à des gros plans sur des visages, des gestes, des mouvements naturels et des jeux de regards. Et puis, enfin, le réalisateur s’autorise des libertés formelles, comme galvanisé par les bêtises de son personnage. Apartés de certains acteurs, chanson finale de comédie musicale, raccourci narratif en rendant vivant des tableaux, animaux en animation (au moins on est certain qu’ils n’ont pas soufferts pendant le tournage), et séquences oniriques ou baroques où la rêverie et l’imaginaire (son cousin en cowboy, l’enterrement presque andalous) sont illustrés sans rompre avec le reste du récit.
On l’aura compris, Les Malheurs de Sophie est un film malin, décalé, qui ne dénature pas le livre de la Comtesse de Ségur et lui donne un cachet particulier, pour ne pas dire singulier.

D’autant qu’Honoré a trouvé une Sophie idéale, pouponne tout en sachant jouer : cruelle, peste, délatrice, provocatrice, insupportable, désobéissante, obstinée, insolente, effrontée, menteuse, voleuse, bref la sale gosse par excellence. Jamais personnage romanesque n’a porté aussi mal son prénom puisque Sophie signifie sagesse, normalement.

Trois mères

Au delà de ce rôle clef, tout le casting de ce film très féminin est parfaitement choisi. Quelle belle idée de prendre Golshifteh Farahani dans le rôle d’une mère aussi belle qu’étrangère, dépressive sans le dire, Anaïs Demoustier en douce voisine qui ne se sépare pas d’une amie pour éduquer les enfants sans les hommes et la trop rare Muriel Robin en mère adoptive acariâtre, sorte de Folcoche sortie de chez Tim Burton avec ses grosses perruques, qui reproduit son désamour en l’infligeant à la gamine (et s’offre quelques répliques savoureuses sur son ton sec inimitable). Mais si les femmes ont le pouvoir et les pères sont absents, n’oublions pas les seconds-rôles masculins, de Michel Fau en curé sinophile, à David Prat, fantasme du jardinier sexy.

Car, la vie n’étant pas un long fleuve tranquille, le scénario nous mène de ce château paisible où règne la terreur d’une petite fille capricieuse et indocile à une tragédie qui la rend orpheline. L’hiver remplace l’été. Les bêtises n’ont plus lieu d’être et la punition a des airs de calvaire permanent.

Rythmé, enjoué, virevoltant le film devient, entre les mains de Christophe Honoré, un hymne à l’enfance qui donne le droit d’être irresponsable, imaginatif, festif, insouciant. Le droit d’être aimé et pardonné, plutôt que d’être brutalisé et sanctionné. Avec de dernier tiers où la petite Sophie est confrontée à une « ogresse » des sentiments, Honoré parvient à nous la rendre aimable et attendrissante, et même touchante. Jusqu’au générique de fin, le cinéaste est inspiré et livre ici son plus joli film, variant les tonalités et mélangeant les genres avec aisance. Il n’est jamais aussi doué que lorsqu’il flirte avec le cinéma de Jacques Demy, où les petits ou grands drames n’empêchent pas un formalisme assez joyeux.
 
vincy

 
 
 
 

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