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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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A War (Krigen)
/ 2015
01.06.2016
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IL FAUT SAUVER LE SOLDAT PEDERSEN
"Ne te demande pas ce que tu aurais dû faire mais ce que tu dois faire…"
Avec ce drame militaire, le réalisateur de Hijacking prouve une fois de plus qu'il maîtrise mieux que personne la mise en scène et que plus c'est lent, plus c'est bon. Explications.
Ici et là-bas
Le commandant Claus M. Pedersen est affecté en Afghanistan. Dès lors, son unique mission sera d'assurer la sécurité de ses hommes. Pendant une patrouille, ils sont pris pour cible et l'un de ses hommes est grièvement blessé. Sans être sûr de la position de ses assaillants, il demande des frappes aériennes. Celles-ci se solderont par la mort de 11 civils. En parallèle, sa femme Maria tente d'élever leurs trois enfants et se prépare au pire…
En mettant en parallèle le quotidien des deux époux, le réalisateur danois Tobias Lindholm met en scène une immersion parfaite dans la vie des familles de militaires. Plus encore, A War montre à quel point certaines "petites" décisions peuvent avoir un impact sur le quotidien de toute une famille. En d'autres termes, l'absence de leur père a des répercussions sur le comportement des enfants du couple. Et parce qu'il se pose des questions sur le moral de ses troupes et sur le quotidien de ses proches, le commandant Pedersen n'a pas l'esprit tranquille. C'est ainsi à travers les silences et les non-dits que s'entraperçoit la profonde complicité du couple et la compréhension qu'ils ont du calvaire que vit l'autre.
Sans jamais porter de jugement sur ces deux personnages, Tobias Lindholm ne met pas non plus l'un au-dessus de l'autre. Alors oui, c'est le procès de Claus que l'on va suivre jusqu'au bout du film. Mais la manière dont sa femme Maria l'appréhende habite A War et ses craintes deviennent très vite celles du spectateur. Véritable tour de force, A War est de ces films que l'on oublie jamais vraiment tant l'impression de perdre espoir se fait sentir.
Un suspense éreintant
Tandis que la première partie du film nous montre la manière dont Claus gère ses hommes, la seconde s'intéresse davantage aux conséquences de son action. Si le soldat blessé a été sauvé, Tobias Lindholm pose en sous-texte la question de la valeur d'une vie humaine. Sauver un soldat danois valait-il la peine de tuer onze Afghans ? Vouloir que Claus soit acquitté, est-ce nier que ces Afghans méritent justice ? Le sauvetage de l'un d'entre eux mérite-t-il que les soldats de Claus mentent devant une Cour ? Autant de questions que A War soulève et dont les réponses sont hautement personnelles.
Pendant près de deux heures, Tobias Lindholm fait montrer la pression, lentement mais sûrement. Va-t-il rentrer en vie ? Va-t-il être poursuivi en justice ? Les Pedersen vont-ils survivre à un tel drame ? Va-t-il être jugé coupable ? Par le biais d'une avocate certes détestable, A War fait émerger tous les paradoxes propres à la conscience et la morale. En suggérant qu'il est parfois nécessaire de contourner les règles (et la loi), le film laisse un goût amer, une sensation de culpabilité qui ne s'en va pas avec le générique de fin.
Sans véritable cadre spatio-temporel et avec un ennemi qui n'est jamais clairement montré, A War se démarque des autres films du même acabit. Le contraste front/foyer est impressionnant et doit beaucoup à ses deux interprètes principaux : Pilou Asbaek (Borgen, Lucy, Game of Thrones) et Tuva Novotny (Mange, prie, aime, Lilyhammer). En insistant sur les petits incidents du quotidien, le film de Tobias Lindholm décrit avec brio le combat psychologique que mènent tous ceux qui sont restés à l'arrière. Haletant et anxiogène, A War est un drame à voir de toute urgence !
wyzman
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