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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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HAVANE ET À VAPEUR
"- Pourquoi tu veux faire ça ?
- J’en sais rien. C’est beau. C’est intense."
A prime abord, Viva est un film plaisant, ce qui n’est déjà pas si mal. La chaleur cubaine, les personnages pittoresques et « drama », un cabaret interlope et la beauté d’Hector Medina contribuent à nous intéresser à ce récit dès les premières scènes.
Mais résumer Viva à un film « queer », culture qu’il revendique certainement avec cette hystérie « almodavrienne », serait un peu facile. Il y a surtout l’envie d’explorer la manière dont une transmission s’opère : celle d’un art souterrain (le travestissement) et celle d’un père mourant à son fils. En cela, Jesus, alias Viva sur scène, est plongé dans un dilemme : faire plaisir à la « mère » de substitution, la vedette et tenancière du lieu où il veut se produire, ou faire plaisir à son père, quitte à renier ses rêves et son identité.
Autour de cet univers cubains, « naturellement exhibs et putes fabuleuses », le cinéaste irlandais Paddy Breathnach filme La Havane comme on se l’imagine, chatoyante, ensoleillée, pauvre. La misère qui pousse des jeunes gars à la prostitution, à se faire prendre par des occidentaux d’un certain âge, sans ménagement parfois. A faire les « ménages » aussi (coiffeur pour dames) ou à rêver d’Amérique. Las, la survie l’emporte souvent sur les envies.
En optant pour un jeune candide, un bon garçon qui a pour seul défaut une fascination freudienne pour les divas, le scénario nous fait éprouver une empathie immédiate pour lui.
En revanche, on craint d'être embarquer dans un film plus classique, avec le retour du père. Macho, viril, alcoolique, brutal, boxeur. Le film semble en effet se diriger dans une opposition assez didactique entre deux mondes antagonistes. Evidemment, l'histoire s’avèrera plus subtile, plus sentimentale, et plus mélo.
Certes, la confrontation entre les mâles latinos homophobes et les hommes plus féminins aboutit à une morale un peu simpliste sur l’acceptation de soi et la tolérance de la différence.
Mais en ces temps agités où plus personne ne sait se respecter, le film agit comme une pommade apaisante. Et la séquence finale démontre que le bonheur n’est pas forcément histoire de dogme ou de tradition. Il est difficile de reprocher cette ouverture d’esprit qui transparait dans Viva. Comme on ne peut qu’apprécier cette solidarité, cette entraide qui relie les marginaux.
Ce Billy Elliot cubain est peut-être moins bouleversant que le film de Stephen Daldry mais il ne manque pas de charme ni d'émotions. Le courage et les doutes de Jesus/Viva comme la solitude de chacun font vite oublier le duel père/fils puisqu’on ne retient finalement que la métamorphose de la chrysalide en papillon, la normalisation d’un monde baroque et l’espoir d’un futur où chacun trouve sa (bonne) place. En pointant du doigt la domination masculine, en célébrant la diversité, et en faisant triompher l’amour sur la peur, Viva est assurément un bel hymne à l’émancipation.
vincy
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