Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Florence Foster Jenkins


Royaume Uni / 2015

13.07.2016
 



CARNAGE AU CARNEGIE HALL





«- La musique a toujours été et est ma vie.»

Même s’il est inégal d’un film à l’autre, Stephen Frears n’aime rien d’autres depuis 15 ans que de révéler les coulisses d’un système : la traite des organes (Dirty Pretty Things), le théâtre (Madame Henderson présente), la Royauté (The Queen), le jeu et l’argent (Lady Vegas), le cyclisme (The Program)… Et on pourrait y voir le même sens du décryptage dans plusieurs de ses films parmi les plus connus. Frears aime la mécanique, en démontant le moteur pour nous montrer où sont les pièces défectueuses.

Avec Florence Foster Jenkins, il décortique l’environnement mondain new yorkais et finalement, comment le laid produit le beau, l’échec conduit au culte. Florence Foster Jenkins, mécène qui se croyait soprano, qui a déjà inspiré Marguerite de Xavier Giannoli, est une forme non assumée de dadaïsme où le surréalisme s’introduit par le simple jeu d’influences et de finances dans l’environnement exigeant de l’art lyrique.

Un pianiste à biceps

Nous sommes en 1944. Florence et son époux, « lapin et biquet », forment un couple aussi bien scénique que platonique. La maladie de l’une et la dévotion de l’autre agissent comme l’ombre et la lumière sur une histoire d’amour presque fusionnelle. Sur ce point, le scénario manie très bien le second degré nécessaire à cette « farce » artistique, notamment avec ses seconds-rôles. Mention spéciale à Simon Helberg, en pianiste accompagnant, homosexuel touchant et addict à la musculation.

Avec quelques pointes de cocasseries, des personnages proches du burlesque, et un sujet flirtant avec la folie, on pouvait s’attendre à un film proprement comique. Las, le scénario de Nicholas Martin s’oblige à créer des récits parallèles un peu convenus, des explications du passé un peu inutiles et un ton sentimental un peu mièvre. Ce qui ramollit parfois le rythme. Mais comme dans un bon opéra, les accalmies s’envolent parfois brusquement, et, avec le talent des comédiens, nous emportant durant certaines séquences, dans un divertissement plaisant. Cependant, l’ensemble tourne trop à vide sur ces faux plats pour compenser ce mélo comique entre « mélomanes ».

Jusqu'au bout de ses rêves

C’est presque regrettable que le réalisateur n’ait pas poussé plus loin le curseur vers l’excentricité (l’idée de la salade de pommes de terre par exemple). Pastiche malgré lui d’une cantatrice malgré elle, Florence Foster Jenkins, « pire chanteuse du monde », nous mène logiquement vers la scène finale du concert au Carnegie Hall (et l’on retrouve les ailes d’ange de Marguerite).

Alors, déclamation sincère, égocentrisme aveugle, défi aux mensonges et mesquineries, au snobisme et aux détenteurs d’une vérité absolue sur l’art ? Que veux nous dire Frears avec ce Florence Foster Jenkins, femme en fin de vie qui va jusqu’au bout de ses rêves ? Sans la liberté créative de Giannoli, qui avait pu se débarrasser des carcans du biopic, le cinéaste britannique s’interroge davantage sur l’amour que sur l’art. Aimer est-il accompagner ou protéger ? Pourtant, en voyant Hugh Grant, qui maîtrise parfaitement son personnage, dévorer Meryl Streep, qui en fait beaucoup trop sans avoir grand chose à croquer, il y a quelque chose qui surgit de toute cette cacophonie légère et rêveuse.
Et quand Grant confesse : « j’étais un bon acteur, mais je pouvais pas être un grand acteur. Une fois débarrasser de cette tyrannique ambition, vous êtes libre et heureux », on peut se demander : l’acteur anglais parle-t-il de lui ou Frears fait-il preuve de clairvoyance et d’humilité ? Dans tous les cas, les deux prouvent, avec ce film, avec ce sujet, que l’imperfection artistique, l’envie de juste s’amuser, le désir de donner (en créant des spectacles sans prétention) ou l’art amateur n’ont pas besoin des critiques pour séduire un public, et mieux, que les ratages et les nanars peuvent aussi, à leur manière, construire un art brut, d’outsiders. Une sorte de pop art assumé qui avec le temps, en se bonifiant, peut devenir sublime.
 
vincy

 
 
 
 

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