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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Man on high heels
/ 2015
20.07.2016
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UN HOMME EST UNE FEMME
"C’est un vrai mec !"
Belle image pour décrire cet étonnant long métrage coréen que celle d’un être humain (ici, en l’occurrence, un homme, mais ça marche avec tout le monde), juché sur de hauts talons menaçant potentiellement son équilibre à chaque pas. Car Man on high heels tangue lui-aussi entre film d’action survitaminé et chronique douce-amère de l’envol difficile, sinon impossible, d’une femme enfermée dans un corps d’homme ultra-viril. Et si l’on est complètement séduit par le sujet, et l’audace qu’il a fallu à son réalisateur Jin Jang pour l’aborder, on est plus réticent face au déroulé hésitant du récit qui ne parvient pas toujours à articuler harmonieusement ses deux thématiques.
Côté pile, le polar fonctionne à plein, avec un personnage de policier invincible et incorruptible qui tient tête à lui seul (et à mains nues) aux pires criminels de son pays, ce qui ménage quelques très jolies scènes d’action violentes et drôles comme le cinéma sud-coréen en a le secret, c’est-à-dire purement jubilatoires. Visuellement, image, lumière et composition sont par ailleurs au top, grâce notamment à la présence de Lee Sung-je, le chef opérateur de Na Hong-Jin, qui propose une photographie chic et crépusculaire. Côté face, la quête existentielle est parfois plus maladroite, comme si Jin Jang avait été gêné d’aborder certaines facettes de la transsexualité, ou ne savait comment faire cohabiter les deux tonalités très contrastées de son récit. Il casse ainsi la fluidité de la narration avec une alternance un peu mécanique entre les deux thèmes, et surtout s’embourbe malhabilement dans des flash-backs mélodramatiques sépia qui rajoutent du drame convenu là où la tragédie humaine du personnage suffisait.
L’acteur Cha Seung-Won, lui, assume avec talent l’ambivalence du rôle, et est aussi crédible en justicier tout puissant qu’en être déchiré entre son apparence et son intériorité, ses désirs les plus profonds et ce que lui impose la société. Qu’il castagne une armée de criminels à lui tout seul ou rougisse face à son reflet féminin dans le miroir, on croit à ce qu’il incarne, et au dilemme insoutenable qui le tenaille, même si le scénario ne lui laisse pas la possibilité d’exprimer complètement toute la palette des émotions qui le submergent. Sa rencontre avec une femme ayant traversé les mêmes épreuves est à ce titre une manière intelligente d’aborder frontalement la question du tabou social et des difficultés rencontrées par les transgenres, sans non plus transformer le film en manifeste didactique.
Parmi les autres excellentes idées du film, il faut également souligner la fascination étrange qu’éprouve le chef mafieux pour ce policier légendaire qui le traque, faite d’attraction et d’admiration mêlées. La relation entre les deux hommes aurait même pu quitter les sentiers battus de la traque mortelle pour aller sur un terrain plus personnel, ou en tout cas résolument différent. Mais sans doute était-il difficile pour Jin Jang de lâcher totalement l’intrigue du polar. Dommage, car faute d’ouverture, la dernière partie du film retombe dans un schéma plus conventionnel, avec la sempiternelle croisade du héros seul contre tous, et un épilogue bancal dont on ne sait s’il est simplement politiquement correct, assez lâche, ou terriblement désenchanté.
MpM
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