|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Frantz
France / 2015
07.09.2016
|
|
|
|
|
|
BROKEN FLOWERS
- Vous aussi vous aimez ce tableau ?
- Oui. Il me donne aussi envie de vivre.
Véritable drame romantique, le nouveau film de François Ozon demeure la plus belle preuve que le talent du réalisateur d'Une nouvelle amie ne s'en est pas allé. On adore.
Entre attraction et rejet
Après la Première Guerre mondiale, dans une ville allemande, la jeune Anna dépose tous les jours des fleurs sur la tombe de Frantz, son fiancé mort au front. Un jour, elle remarque qu'un jeune français, Adrien, vient également se recueillir dessus. Après la défaite allemande, la présence d'Adrien va mettre en lumière bien des choses dans la vie d'Anna comme dans celle de leur entourage.
Ultra léché, Frantz dispose surtout d'un scénario intéressant. Celui-ci l'est d'ailleurs tellement qu'on ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec la peur de l'autre qui resurgit régulièrement aujourd'hui, entre deux polémiques inutiles. Et bien que le film appuie sur le caractère particulier de la situation d'Anna et Adrien (elle est allemande, il est français, nous sommes en 1919), Frantz n'en demeure pas moins polysémique. Car au-delà du rejet dont Allemands et Français font preuve tour à tour, le film de François Ozon se permet d'aborder différentes thématiques propres à la période mais pas seulement.
Ainsi, il n'est pas étonnant de voir les personnages se demander régulièrement comment vivre après. Comment aller de l'avant quand on a perdu ceux que l'on aime. Comment reconstruire quand on est responsable de ce qui a été cassé. Et enfin, comment pardonner aux autres quand on a également des choses à se faire pardonner. Inspiré du film d'Ernst Lubitsch Broken Lullaby et de la pièce de Maurice Rostand L'Homme que j'ai tué, Frantz a tout du grand film dans lequel les personnages se croisent, s'effleurent, se touchent mais ne parviennent pas à se retenir. Et comme il est commun de vouloir retenir les gens que l'on aime, Frantz épargne à ses spectateurs le happy end facile, la surprise dans la non-surprise.
Tableau filmique
Saupoudrés de mensonges, les différents récits des personnages sont autant de pauses oniriques dans la narration. Pour protéger sa conscience, Adrien ment à Anna. Pour protéger Adrien, Anna ment aux parents de Frantz. Jeu de chaises musicales sentimentalement conséquent, Frantz est audacieux. Dans son scénario oui, mais également dans sa mise en scène. En passant régulièrement du noir et blanc à de la couleur pour signifier les moments de bonheur partagé, François Ozon s'offre ici un petit plaisir visuel qui n'est pas pour nous déplaire. Parce qu'il est souvent fait mention des tableaux de Manet, François Ozon a bien fait de confier la direction artistique de son film à Michel Barthélémy et la photographie à Pascal Marti. Visuellement, le film est impeccable.
Mais cela ne s'arrête pas là. Les personnages principaux (Anna et Adrien) sont campés par des acteurs au talent plus que certain. A commencer par Paula Beer. Déjà vue dans Poll et Diplomatie, cette Allemande de 21 crève ici l'écran tant sa peine et ses tourments sont communicatifs. En face d'elle, Pierre Niney est comme toujours superbe. Torturé comme dans Yves Saint Laurent, suspicieux comme dans Un Homme Idéal, sous pression comme dans Five ou affecté comme dans Frantz, le jeune homme passé par la Comédie-Française semble aujourd'hui capable de tout faire. On applaudit.
Du reste, on retiendra évidemment ce thème musical ensorcelant et ces regards échangés qui en disent souvent long. Dramatique à souhait mais foncièrement pragmatique, Frantz est une très (très) bonne surprise dans la filmographie d'un cinéaste inégal.
wyzman
|
|
|