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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Brooklyn Village (Little Men)
USA / 2016
21.09.2016
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BOY NEXT DOOR
"Comment vous pouvez leur faire ça ?"
On entre dans le film en même temps que le couple qui déménage à Brooklyn dans un appartement dont il a hérité suite au décès du patriarche. Avec eux, leur fils Jake, 13 ans, qui est le vrai personnage central. A l’étage en-dessous, il y a la petite boutique d’une couturière latino-américaine qui vivote et participe au charme du quartier. Elle vit avec son fils Tony, 13 ans également. Très vite, les deux garçons deviennent amis, tandis que leurs parents respectifs deviennent voisins. Seulement, ces nouveaux propriétaires ont besoin d’argent et donc d’augmenter significativement le faible loyer payé par la mère de Tony, ce qui peut conduire à son expulsion… En parallèle de l'amitié innocente qui naît entre les deux adolescents se développe entre leurs parents un ressentiment basé sur un rapport d’argent. Les deux garçons auront-il le pouvoir de réconcilier leurs familles ou ce conflit mènera-t-il à la fin de leur complicité ? Si c’est en apparence le principal enjeu de Brooklyn Village, le film va plus loin dans son observation (légère et ténue) d'un drame humain d'une grande simplicité.
Le cinéaste Ira Sachs, après avoir ausculté la relation de couple sous différents angles avec Forty shades of blue plutôt ennuyeux et Keep the lights on bien plus inspiré, préfère désormais diriger sa caméra vers le thème plus général de la communauté, comme avec le bouillonnant Love is strange qui observait une certaine transmission de valeurs dans une famille, et donc maintenant ce Brooklyn Village qui, à l’inverse, aborde l'incompréhension des enfants face au choix de leurs parents : l’argent plutôt que le cœur.
Malheureusement, après le virevoltant Love is strange, force est de reconnaître que Brooklyn Village serait presque à l’opposé et montre une histoire bien jouée certes mais si délicate qu'elle peut en sembler presque anecdotique. Les adultes (dont Greg Kinnear et Paulina Garcia) laissent transparaître leurs sentiments qui seront plus faibles que leur raison, et les deux enfants sont confondants de naturel et de naïveté (dans leur riposte de ne plus dire un mot à leurs parents). Le titre original en VO, Little Men, avait d’ailleurs plus de sens puisqu’il peut désigner autant les enfants qui grandissent en se confrontant à la réalité des grands que ces adultes qui échoueront petitement à conserver des rapports indépendamment de l’argent…
Par ce biais, le film évoque aussi un phénomène qui touche bien d’autres villes : celui de la gentrification galopante de certains quartiers où les loyers en constante hausse provoquent des expulsions de commerces et d'habitants, et autant de drames humains. Sans jugement, Ira Sachs place les adultes dans une situation impossible qui est bien moins de leur fait (les parents de Jake sont loin d'être d'affreux capitalistes égoïstes) que celle d'un pays qui sacrifie systématiquement les faibles au profit des forts. Avec beaucoup de subtilité (et sans happy end si facile), le réalisateur utilise le prisme intime pour parler de failles plus universelles, et combien délétères. Ce faisant, il ménage systématiquement l'humanité de ses personnages, qui méritent tous la même bienveillance.
Le charme de Brooklyn Village est aussi celui d’une histoire filmée sans aucun artifice, avec un simple regard (celui de Jake) qui assiste à ce qui se passe. Peut-être aurait-on pu souhaiter un regard plus singulier qui aurait proposé une vision plus originale : par exemple avec le thème de l’enfance confrontée au monde concret des adultes comme dans Microbe et Diesel de Michel Gondry, Boyhood de Richard Linklater ou Un été indien de Michael Winterbottom. Mais là n'était pas le but d'Ira Sachs qui peine peut-être à toucher notre corde sensible, mais réussit plus finement à éveiller notre conscience et interroger (encore, et toujours) notre rapport à l'autre.
Kristofy (avec MpM)
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