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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Fuocoammare, par-delà Lampedusa
Italie / 2015
26.09.2016
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L’ÎLE DÉSENCHANTÉE
"C'est le devoir de chaque être humain d'aider ces gens"
Fuocoammare, documentaire dénué de voix-off qui montre en parallèle la vie tranquille de quelques habitants de Lampedusa et le drame des réfugiés qui se joue dans les eaux alentours, est un film indispensable et pressant qui doit être vu à tout prix. Au-delà de tout argument cinématographique, il est urgent et nécessaire de visiter avec Gianfranco Rossi l'île italienne (20km2 situés au sud de la Sicile, entre la Tunisie et Malte) qui est devenue la porte d'entrée privilégiée des migrants fuyant leur pays pour rejoindre l'Europe où de multiples embarcations de fortune s'échouent de plus en plus fréquemment depuis le début des années 2000. Urgent, car la situation ne cesse de s’aggraver. Nécessaire, car la politique de l’autruche n’a que trop duré.
Le film est ainsi construit comme le portrait des habitants de Lampedusa (notamment Samuele, un jeune garçon qui connaît chaque recoin de l'île, et sa famille) auquel répond en écho un témoignage sans fard sur la tragédie des réfugiés : appels désespérés envoyés depuis des embarcations de fortune, missions de sauvetage périlleuses, prise en charge quasiment militaire, récits édifiants des rescapés... Le coup de grâce étant porté par le médecin Pietro Bartolo, qui vient en aide aux migrants depuis les années 1990, et qui raconte la réalité à laquelle il est confronté : les femmes qui accouchent sur les bateaux surchargés, les survivants déshydratés ou brûlés par l'essence, et bien sûr les innombrables corps sans vie auxquels il ne parvient pas à s'habituer.
Situation tragique, insupportable et absurde
Si l'on est tout d'abord surpris par la construction du documentaire, et par la part importante consacrée à Samuele et aux autres insulaires, il s'avère très vite indispensable d'avoir ce contrepoint plus léger, plus ancré dans un monde qui est aussi le nôtre, pour faire réaliser au spectateur l'absurdité tragique et insupportable de la situation. Le mettre froidement devant ce fait bien réel, et pourtant presque impossible à concevoir : que des enfants meurent à quelques kilomètres seulement du havre de vie "normale" auxquels ils aspiraient.
"Je crois que ce film est le témoignage d'une tragédie qui se déroule sous nos yeux", a déclaré Gianfranco Rosi lors de la conférence de presse qui a suivi la projection berlinoise du film, où il a reçu l’Ours d’or des mains de Meryl Streep. "Je pense que nous sommes tous responsables de cette tragédie, peut-être la plus grande que nous ayons vue en Europe depuis l'Holocauste. Nous sommes complices si nous ne faisons rien."
Et Fuocoammare actionne sans l'ombre d'un doute la mauvaise conscience de tout un chacun, avec une sécheresse et une dureté salutaires, comme l'électrochoc que l'on attend en vain pour mettre fin à ce qui est un carnage évitable. "C'est le devoir de chaque être humain d'aider ces gens" déclare simplement Pietro Bartolo, dont la lassitude se lit sur le visage. Présent à Berlin, il y confessait l'horreur et les "cauchemars" qui le poursuivent. "Parler de ces choses me fait mal à chaque fois" a-t-il notamment expliqué. "Mais j'accepte parce que j'ai l'espoir qu'à travers ces témoignages, on pourra sensibiliser des personnes" à ce qui est "devenu un problème dramatique, de portée universelle".
Le documentaire de Gianfranco Rosi est à ce titre un document indispensable qui met toute l'intelligence, la force de conviction et la magie du cinéma au service de cette sensibilisation. Mais après la prise de conscience doit venir l'action, et c'est justement le moment où le spectateur doit prendre le relais de l'écran, pour passer de témoin impuissant à acteur engagé. Parce que le cinéma, parfois, doit aussi avoir cette vocation-là, celle de faire bouger les choses.
MpM
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